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Bonjour Christophe, tu es CR/DC chez Publicis quel a été ton parcours ?
J’ai découvert la publicité sur le tard : en 1995 en me promenant sur les internets à la fac de Nantes ou je finissais de m’ennuyer.
Le site Publicis proposait un concours qui consistait à inventer la suite de la saga Nescafé avec des gens qui ne parvenaient jamais vraiment à divorcer.
J’écris, j’envoie, une jeune personne de nationalité française mais qui s’exprimait en anglais dans la vie courante m’appelle pour me dire que j’étais « right on time and right on the ball » et que j’avais gagné une semaine de stage sur les Champs Elysées.
J’achète un pull, je prends un train et je découvre un métier ou tu peux arriver tard, mettre les pieds sur la table et chercher des idées.
Concepteur-Rédacteur.
Dossier, stages, Pascale Chadenat chez BDDP, restage, Altmann et BDDP et Fils qui commence.
Ensuite il y aura Publicis Conseil sur Renault, Springer et Jacoby, Les Ouvriers du Paradis, Lowestratéus. Et du digital en parallèle (je sais, c’est moche) avec Duke. Après quelques années et des jolies choses (Lion de bronze pour PSP, Amnesty contre la peine de mort…), je décide de passer du côté 2.0 de la force à l’invitation de De Lesseux puis je pars m’occuper du digital sur Renault chez Publicis.
En 2014 je prend la direction de création de l’agence Change.
Et voilà.

Depuis combien d’années travailles-tu dans le milieu de la publicité ?
Une grosse dizaine d’années. Petite quinzaine. Grosse dizaine. Treize.

En ce moment tu travailles avec qui et sur quoi ?
Nous avons peu de clients, une dizaine, Nissan, Nike, ING Direct, Intel, le CIO, Levi’s…
J’essaie de faire de la pédagogie, de sortir le digital du web, de faire prendre de l’avance à nos marques. De souder création et technologie.
Le digital permet de passer du performatif à la preuve, de ne plus se contenter du discours mais de faire.
Act, not ads, comme on dit.
Ce qui revient in fine à faire de la publicité, c’est juste la nature de ce que nous communiquons qui change. Il y a plus que jamais besoin d’idées pour le faire, d’autant plus que maintenant ce sont les cibles qui choisissent leurs flèches.

Parles nous de deux trois choses que tu as faites
J’ai fait des choses que j’aurais du mal à refaire aujourd’hui, notamment la campagne Seamply avec Andréa Leupold.
Une saga Vrai avec Caroline de Vibraye très nature, un La Poste avec entre autres, Charles Guillemant.
Des annonces typos avec Amnesty. SNCF Homer, c’était les débuts chez Duke.
Jusqu’à Nike 10 K la semaine dernière. Le début de ce que la technologie peut apporter à la création et aux marques.

(Directrice Artistique  : Caroline de Vibraye)


(Directrice Artistique Renault : Estelle Pinet)
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(Créatifs Nike : Hanna Mansson + Hugues de Noyelle + Guillaume Rebbot)

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Tu as hésité à faire de la pub ?
Non seulement je n’ai pas hésité, mais je l’ai voulu très fortement.
C’était ça ou prof de français en Vendée.

Tu fais quelque chose en parallèle de ton métier, des centres d’intérêts ?
Je lis pas mal, je suis censé aussi tenir lachroniquedepoche sur Facebook, une chronique qui résume un livre de poche dans les 420 caractères d’un statut.

Je m’applique aussi, avec pas mal de succès, à devenir écrivain raté.

As tu des anecdotes sur la vie à l’agence ?
Je me souviens des soirées de chez fils, mais on ne peut pas en parler ici. A cause de la police.

Dans ton métier quel est ton meilleur souvenir ? et le pire ?
Les meilleurs souvenirs, forcément c’est quand tu gagnes des prix, l’annonce d’un Lion au téléphone, c’est pas mal.

Les moins meilleurs, c’est par exemple la première fois que tu te retrouves devant 40 créatifs chez Duke/Razorfish, 40 types et typesses avec parfois des métiers dont tu ignores même l’existence. Que tu viens de la publicité classique (une plume et du goudron) et que c’est toi leur patron.

Le truc qui t’a fait le plus halluciner ? Ce que tu pensais pas faire un jour ?
Je ne pensais pas attendre une nuit entière dans un hangar qu’une chouette accepte de foncer sur la caméra en poussant son cri de chouette (Renault Mégane), je ne pensais pas non plus mettre des cochons dans un bain à bulles, leur faire prendre une douche (Hénaff)…
En fait, ce qui me surprend le plus (en dehors des femmes), ce sont les animaux.

Quelle sont historiquement, les pubs qui t’ont le plus marquées ?
La Berlitz (what are you thinking about) qui fonctionne encore et encore.

Une saga MTV de la fin des 90, début des 00. Que je ne retrouve pas mais qui finissait par une fessée-logo à la raquette de ping-pong sur les fesses d’une personne de petite taille.

A Week pour Globo, une pub que je n’ai jamais revue et qui m’avait chairdepoulisé à Cannes. Si quelqu’un l’a, je prends.

Manix, l’empreinte digitale (Delhomme, Bellon), parce qu’on est sur de la preuve factuelle et que c’est parfaitement réalisé, bande son comprise.

Un film Caisse d’Epargne (Altmann et De Lestrade ?) la retraite c’est formidable. Un sujet pas glamour à priori mais traité sharp. Que je ne retrouve pas non plus.

Et parce que l’histoire, c’est aussi l’histoire récente :
Le print Lego de cette année, que je trouve très malin, même si j’apprends qu’il n’est pas très exclusif.

Le Tesco de 2011, parce que c’est un tournant que ça fait avancer les gens dans leur tête.

Et très dernièrement, le « Blood Relation » inventé (cocorico) par Jean-Christophe Royer dans le cadre du Brief Impossible lançé par BBR Saatchi & Saatchi Israël.

Malin aussi, l’opération de Memac Ogilvy Label pour Engagement Citoyen qui met en scène le retour de Ben Ali à Tunis.

Et bien sûr Super Timor, le numéro 1.

J’aime aussi la publicité en morceaux, ‘il ne triche pas’, ‘c’est le jeu ma pauvre lucette’, ‘Wassssss’up’…

Celle que tu aurais aimé faire ?
Les mêmes sauf Super Timor (ou alors en la signant Patrice Lucet).

Tu as des modèles de créatifs dans la publicité ? des gens qui t’inspirent ?
J’ai eu la chance de débuter là où ça se passait, je n’ai pas de modèles à proprement parler, mais un tas d’influences.
Les créatifs avec lesquels j’ai commencé, dans le désordre : Tricot, Altmann, Couradjut, Delhomme, Tapiro, Bellon, Hélias, Carreno, Camensuli, Leupold.
(Tu noteras qu’il y a un intrus dans la liste précédente).
Ceux que j’ai croisé plus tard : Fichard, Behaeghel.

Et puis, plus largement, tous ceux qui décloisonnent, qui ouvrent. Des gens comme Peter Brook qui peuvent prendre comme matériau des chroniques médicales pour en faire un ailleurs, ça me parle. Je me sers quasiment tous les jours des Strategies Obliques d’Eno et Schmidt.

Si tu commençais la pub aujourd’hui, tu irais où?
Dans une agence post digitale, ni On, ni Off. Une agence qui embrasse tous les aspects de la création, sur la base d’une stratégie de marque. Pas forcément en France, ni même en Europe. Peut-être je serais obligé d’aller jusqu’en 2015.

Tu vois quoi comme changement entre tes débuts et maintenant ?
On est passé de Caramail à Facebook, de War Craft à Farmville, de l’éclatement de la bulle internet aux subprimes et à la crise de la dette (attention, peinture fraîche). Des 30 secondes aux case studies.

Deux bouleversements majeurs (en dehors de la technologie qui les rend possibles) la fin du modèle émetteur/récepteur et conséquemment la fin du discours performatif. La naissance de la fameuse Brand Utility. On doit faire pour et faire avec les clients, prospects, personnes, gens. Et un autre truc a changé aussi, il y a moins d’argent pour faire, penser, créer. Moins de temps donc.

Une conséquence de l’irruption du modèle digital ? Le mood aussi a changé, les choses sont moins légères. Un truc qui n’a pas changé, c’est l’influence des agences médias et leur manque d’imagination qui contribue largement à spammer les internets par exemple.

Tu penses que le milieu va évoluer de quelle manière ?
Je pense qu’on va devoir globalement faire plus attention à nos messages, pas par éthique, mais à cause de l’effet boomerang dans ta face. On est, et c’est plutôt enthousiasmant, en train de chercher un nouveau modèle, une nouvelle façon de faire. Tâtonnons.
Je pense que tout va devenir digital, connecté, du mobile au retail (c’est Siri qui me l’a dit), je pense qu’on va sortir des cadres, mêler l’espace physique et digital, qu’à terme on va même modifier nos corps, les augmenter, je pense que le web est moribond sous sa couche de maquillage, que le spam va lui coller des gros boutons. Je pense que c’est bien fait.

L’autre jour j’ai voulu voir le dernier spot Canal + l’Ours sur Facebook. Avant de voir ce film de publicité (qui passe aussi sur les écrans télé), j’ai dû m’en cogner un autre, captif et furieux, beaucoup moins drôle, de 30 secondes.
On a laissé la radio devenir un robinet à promo, on peut encore sauver le web. Peut-être il faut créer une page pour ça.

Que dirais tu à un team de stagiaire qui veut percer dans le milieu publicitaire ?
Couchez. Ca aide.
Et si votre physique vous l’interdit, marrez-vous, kiffez ce que vous faites.