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Bonjour Dominique, tu es Rédactrice chez Betc,quel a été ton parcours ?
Au départ, je n’ai pas fait d‘études particulières pour devenir rédactrice. J’ai toujours aimé dessiner, j’allais à la Grande Chaumière où j’ai appris en autodidacte à dessiner des modèles nus aux poses très académiques. Après le bac, malgré la pression familiale pour que je fasse une prépa HEC, j’ai fait 2 ans de préparation à une école d’art appliqué puis, j’ai intégré Olivier de Serres (Ensaama) en section pub, qui formait à l’illustration, au rough, ou à la direction artistique.

Ensuite j’ai fait un stage qui m’a beaucoup appris, chez Havas. J’étais dans le bureau d’un excellent team, Pierre Moutarde et François Serres, qui avaient fait la saga Darty au cinéma. J’ai beaucoup appris en les regardant travailler sur la manière dont les mots et le visuel forment un tout. Ce jeu entre eux, et l’atmosphère de campus en délire qui flottait sur toute l’agence, m’ont vraiment donné envie de faire de la conception. Sinon, je serais peut-être devenue roughman.

En sortant de l’école, mon dossier était  parti pour être un dossier de direction artistique, avec des photos, des affiches de concerts, des croquis de nus pour montrer que même si j’étais nulle en perspective, j’aimais le dessin, mais pour les fausses pubs, j’avais rajouté des accroches et finalement, ça devenait plutôt un dossier de rédactrice.

Jean-Paul Backer et Claude Drouillat, à la Young, ont proposé de m’engager en faisant un peu les deux, direction artistique et rédaction, et de voir ensuite à l’usage. Mais Pascal Manry chez Grey, m’a tout de suite conseillé de trancher et de devenir rédactrice. Pascal était l’un des trois ou quatre rédacteurs les plus talentueux et admirés, avec Etienne Chatilliez. Je suis donc rentrée chez Grey comme rédactrice.

Ensuite, je suis allée chez TBWA  avant de rejoindre Benoit Devarrieux chez Référence/Saatchi. C’était une agence très drôle très « nouvelle vague » d’une certaine façon. J’ai fait des annonces pour des chaussures, du genre « Si vous ne savez pas gagner d’argent avec les mains, sachez au moins en dépenser avec vos pieds », et travaillé sur des budgets plutôt mode comme Chantal Thomass, Alain Mikli, Stéphane Kélian ou Libération. Jean-Michel Alirol qui était devenu mon AD et moi avons suivi Devarrieux chez Saatchi and Saatchi puis chez Mac Cann.

Après 2 ans de Mac Cann, nous avons rejoint Christian Vince chez Young et Rubicam, où nous avons fait les pubs Orangina (les hommes bouteilles, Orangina rouge « Pourquoi est-il aussi méchant ? Parce que ! »). Ensuite on a suivi Christian Vince chez DDB.

Comme on a eu des prix, à Cannes ou au Club des Ad, on nous a appelés chez TBWA pour une direction de création. Je pense qu’on était un peu jeunes, mais on a eu le temps d’engager Vincent Lobel et Stéphane Cafiero, et de comprendre d’autres aspects du métier.

Ensuite nous sommes partis chez FCB, avec Thomas Stern, où nous avons réalisé la campagne Monoprix et les campagnes anti-tabac pour l’INPES qui ont elles aussi eu des prix. Deux ans plus tard, nous avons été appelés chez BETC.

Depuis combien d’années travailles-tu dans le milieu de la publicité ?
Depuis 1984.

Tu as hésité a faire de la pub ?
Au départ, en sortant du bac, j’aurais voulu faire les Beaux Arts, et devenir une artiste riche, célèbre pour faire fortune en réalisant des portraits de femmes de mafieux russes, mais finalement, je ne regrette rien, j’aurais probablement tout perdu à la bourse.

Tu travailles avec qui et sur quoi chez betc ?
Avec Jean-Michel Alirol, comme  directeur artistique.
Sur Monoprix, McDonald’s, Peugeot, le Don du Rein, Ibis, Canal +…

Parles nous de deux trois choses que tu as faites en pub dont tu es contente :
Orangina (les hommes bouteille) , l’INPES (la petite fille dans les tas de cigarette, Toxic-Corp, les années 70), Monoprix (campagnes FCB et Betc), Mac Donald, le Don du rein…

C’est important pour toi, la lutte contre le tabac ?
L’industrie du tabac investit énormément d’argent, non pour rendre le tabac moins cancérigène, mais pour rendre la nicotine plus addictive. Et pour pénétrer un nouveau marché, comme les pays africains, leurs méthodes sont celles des cartels de la drogue. Alors, oui, c’est un plaisir de travailler contre ça.

Tu as toujours autant envie, pas de frustration au bout de tant d’années face aux clients ?
Il y a effectivement des clients qui ne raisonnent pas en terme d’efficacité, soit par crainte de prendre une décision, soit parce que leur objectif est plus une ambition d’ordre « politique »… J’ai eu bien sûr des frustrations, comme tous les créatifs, quand certaines idées sont restées dans les cartons, mais globalement, j’ai à peu près fait ce que je voulais.

Tu fais quelque chose en parallèle de ton métier, une passion ?
De la sculpture, du dessin, de la peinture, du ski nautique acrobatique, du bobsleigh.

Dans ton métier quel est ton meilleur souvenir ?
J’en ai plusieurs, mais comme tous les moments de bonheur, ce n’est intéressant que très bien raconté.

et le pire ?
Le surlendemain de mon engagement chez Devarrieux, je me suis retrouvée à partir à l’aube en Afrique du Sud pour du cassoulet. Le commercial avait écrit le script, Devarrieux ne « pouvait » pas y aller, et je me suis retrouvée responsable du concept de la « Riboulade » de William Saurin. « Quand le soir tombe et que les cavaliers se reposent, c’est le moment d’une bonne riboulade… ».

Quelle est, historiquement, la pub qui t’a le plus marquée?
Dans le désordre :

“Nomis boots”

Volkswagen Polo

Crest “on peut tout dire avec un sourire”

Pub Ikea “Storage” par Mother Londres

L’installation audio-murale pour lancer la série Big Love de HBO par BBDO Nyork

http://www.youtube.com/watch?v=8LE2VBdPD90&feature=player_embedded

Guinness “Evolution”
http://www.youtube.com/watch?v=hloj3SvPxYQ

Big Ad pour Carlton Draught
http://www.youtube.com/watch?v=Mv5U0W8FDDk

Heineken « My Fair Lady »

Le film « d’action » Heineken, super spectaculaire, de la goutte d’eau qui glisse le long du verre avec la musique de James Bond.

Le film “aujourd’hui, c’est interdit aux barbus” d’Ikea

Le print Harvey Nichols

Le clip de Fat Boy Slim de Spike Jonze avec Christopher Walken

Les annonces Toyota de Daniel Fohr , sa campagne pour la collective de la banane avec des accroches « pictos

Et aussi les annonces « pot de départ » dans l’ascenseur de Betc.

Tu as des modèles de créatifs dans la publicité ? des gens qui t’inspirent ? pourquoi ?
Bernbach, bien sûr, tous les grands AD et rédacteurs des années 80, et aujourd’hui tous ceux et celles qui font quelque chose de fort et de frais, (en vraie pub, pas en ghost). L’inspiration vient aussi d’ailleurs que de la pub, évidemment.

Avec qui aimerais tu travailller ?
Kleinmann, Anton Visser, des tas d’autres, des tas de réalisateurs de long métrage aussi…

Si tu commençais la pub aujourd’hui, tu irais ou ?
A l’étranger, Londres, New York, Buenos Aires, l’Australie… en France, Betc, City, CLM, MC Saatchi Gad, Publicis, Marcel, TBWA, Leg…

Tu conseillerais quoi a un jeune team de stagiaires qui veut percer dans le métier ?
Je conseille en général aux gens d’avoir un point de vue, de montrer ce qui les intéresse, leur personnalité. On n’engage pas seulement un dossier, on engage une personne. Ne pas se contenter de l’annonce cannoise du Tabasco qui flambe et de la tache qui s’enlève.
Etre capable aussi d’inventer des angles d’attaque, des stratégies. Une bonne publicité est impossible si on ne sait pas à qui on parle, dans quel contexte et dans quel but.

Tu vois quoi comme changement entre tes débuts et maintenant?
Quand j’ai commencé, les gens s’intéressaient à la publicité et étaient même capables d’en parler comme on parle d’un film.
Cela arrive encore mais plus rarement. Aujourd’hui tout compte : la publicité, mais aussi le magasin, l’uniforme des vendeuses, les plv, les packaging, les sms etc…

Et l’évolution future ?
J’ai l’impression qu’il va à la fois y avoir plus et moins de sophistication : plus par des ciblages de plus en plus précis des gens, des messages, l’intrusion de la morale et de l’opinion politique des marques dans la vie des gens…
Et moins, aussi, avec un appauvrissement du ton du message, réduit à un pauvre « key visuel », parfois, quand le client a besoin de décliner un seul concept sur des milliers de supports, PLV, print Télé, etc, ça se termine par le plus petit dénominateur commun.