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Bonjour Virgile, tu es rédac chez Romance, quel a été ton parcours ?

Alors… Bac S, 3 ans de Droit, 3 ans de Lettres, puis Sup de Création.

Ensuite : CLM BBDO, ER27/ScherLafarge/H, Leg, DDB Paris, re-Leg, Jésus&Gabriel, puis la 12 jusqu’à St Lazare, et là je viens d’arriver chez Romance.

Depuis combien d’années travailles-tu dans le milieu de la publicité ?
14 ans.

Tu as grandi à paris ? 3 ans de droit et 3 de lettres avant de s’orienter vers une formation de pub, tu as commencé tard non ?

Non, je n’ai pas grandi à Paris. Et ceci explique cela.

Après une enfance passée à Libreville (Gabon), j’ai été élevé en plein air dans le fin-fond du sud-ouest, encore plus à l’écart de la civilisation. Ajoute que ça remonte à une ère pré-internet… Bref, la seule mention du métier de concepteur-rédacteur était à la page 478 d’un guide ONISEP posé sur la dernière étagère du Centre de Documentation et d’Information de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour. Donc à moins d’un coup de bol…

Résultat, j’ai mis du temps à trouver ce qui m’intéressait et oui, j’ai commencé à bosser tard. Mais ce n’est pas plus mal. Déjà parce que la fac n’est pas le pire endroit où passer ses plus belles années. Ensuite parce qu’un poil de maturité ne peut pas faire de mal. On est très inégaux à 20 ans. Certains ont déjà tout compris, d’autres sont encore des bébés. C’était mon cas.

As tu hésité à faire de la pub, tu aurais fait quoi à la place ?
Je n’ai pas vraiment eu l’occasion d’hésiter. Avec ma licence de Lettres, c’était prof ou journaliste, mais je ne me sentais pas à l’aise dans les zones de guerre.

Et puis un jour, ma môman a entendu parler du métier de concepteur-rédacteur et de Sup de Création par hasard – le coup de bol dont je parlais – et ça lui semblait fait pour moi. Elle avait raison. Il faut toujours écouter sa môman.

Tu as commencé par un stage chez CLM ?
Sup de Création (bisou M’sieur Pommier) nous aidait à trouver des stages plutôt sympas dans de belles agences. Avec mon DA, on s’est crus plus malins et on a joué la carte de l’aventure et de la petite boîte prometteuse. Ça s’est avéré être un choix catastrophique. Quatre mois perdus plus tard, retour à la bonne vieille méthode du mail, avec mes meilleures annonces – fictives – en pdf. Anne de Maupeou m’a pris en stage, puis embauché pour un contrat de 15 jours (sic), puis embauché pour un CDD de 3 mois, puis embauché pour un CDD de 6 mois, puis embauché pour un CDI. Et j’ai démissionné trois mois plus tard.

Tu as travaillé avec qui et sur quoi ?
Je suis sorti de Sup de Création main dans la main avec Benjamin Marchal. On a découvert le métier ensemble en stage (bisou). Puis j’ai rencontré Vaïnui de Castelbajac chez CLM et on est restés collés pendant 6 ans, sous la direction de Anne de Maupeou, Frédéric Témin, Gilbert Scher et Gabriel Gaultier. Un beau jour, elle a réalisé qu’elle s’amusait fichtrement plus à faire des gribouillis et elle est devenue une illustratrice au talent intersidéralement reconnu (bisou). De mon côté, je suis allé bosser chez DDB avec un type top – Volker Gehr (bisou) – mais je n’ai pas vraiment aimé la vie de grosse agence. Alors je suis revenu chez Leg, et j’ai commencé à travailler avec Stéphane Richard (bisou), à nouveau sous la houlette de Gabriel Gaultier (bisou). Ça a duré 5 ans, entre la fin de Leg et le début de Jésus.

Maintenant, je suis chez Romance avec Alexandre Hervé (bisou patron). Je bosse sur Intermarché, Atol, Audi et des compètes… mais pour la première fois, je viens de bouger sans AD. J’espère que je sais nager.

Parles nous de 2-3 choses que tu as faites (avec les liens des réfs svp):
Mon premier souvenir : une shortlist à Cannes avec une annonce de mon doss d’étudiant :

Ou ça pour Eurostar. C’était rigolo de shooter des Anglais tout nus en 3D.
True story.


 

Après, des campagnes de titres, en veux-tu en voilà.
En veux-tu?
Et bien en voilà :

 

Du Oui FM. Fait avec grand plaisir même s’il est difficile de passer après la campagne originelle.


Un de mes meilleurs souvenirs de pub, c’est d’avoir renommé toutes les stations du métro pour OUIFM : 

Du Naturalia.

Du Mikado

 

Et du Metrobus

Vous trouverez d’autres campagnes ici : https://www.behance.net/virgilelassalle

Tu fais quelque chose en parallèle de ton métier, des projets, des passions ?
Je joue dans un groupe de garage rock, Waiting For The Royalties, mais c’est purement alimentaire.
Je me suis également essayé à l’écriture de scenarii. Ça, c’est uniquement pour me faire mal.

 

Quel est ton meilleur et pire souvenir ? Le truc qui t’a fait le plus halluciner ?
Le combo du meilleur, du pire et de ce qui me fait le plus halluciner, c’est la bêtise humaine. L’insondable, irrationnelle et imprévisible bêtise humaine. Ça m’émerveille à chaque démonstration. Comme ce putain de client qui refuse un titre parlant d’homo sapiens, au prétexte que « vous comprenez… avec la manif pour tous… parler d’homos… ».

Un regret sur ton parcours un truc que tu ferais différemment si possible ?
Quelques-uns sans importance, mais je ne vais citer que celui qui pourrait servir aux plus jeunes : il y a fort longtemps, ma DA et moi avons fait un trèèèès mauvais choix d’agence pour des considérations essentiellement financières. À notre décharge, on mangeait des cailloux à l’époque. Les jeunes, ne faites pas ça. Il y a pire que les cailloux.

Quelles sont les pubs que tu préfères, tes classiques ?
Argh. Il y en a tellement, et tout a déjà été cité ici.
Alors à la volée : Hamlet, The Independant/Litany, Ikea / The lamp, Fox/ Beware of things made in october, Eurostar/Londres au rabais…
Mais je suis surtout un inconditionnel de The Economist, Timberland ou tout Volkswagen… Bref, The Copy Book. Rien ne vaut un chouette concept ultracondensé en une phrase, avec un petit relent d’acidité.

(cliquez sur les couvertures des livres, il y a le lien amazon affilliés pour les obtenir)


Par flemme de reboucher les trous dans un mur de ma chambre, j’avais même encadré et accroché quelques annonces comme-celle-ci :

et bien d’autres :


 

https://www.youtube.com/watch?v=VqHgqkHhDP8

Tu as des modèles de créatifs dans la publicité ? ou en dehors des gens qui t’inspirent ?
Pour ne vexer personne, je citerai uniquement ceux avec qui j’ai eu la chance de beaucoup travailler et à qui je dois énormément, Gabriel Gaultier et Stéphane Richard.

En dehors de la pub, il y a Franquin, Chuck Palahniuk, John Dwyer et ma femme.

Tu vois quoi comme changement entre tes débuts et maintenant ?
Il n’y a pas assez de place dans internet pour tout développer. Mais si j’étais obligé de trouver une idée qui résume tout, ça pourrait être la démultiplication : des médias, des formats et surtout des prétextes de communication apparaissent tous les jours. Activations, applis, stunts, etc… et les catégories dans les concours qui suivent l’escalade avec gourmandise. On est parfois si éloignés de la pub que certaines idées ressemblent au concours Lépine. Si on avait du recul, on se marrerait bien.

Plus produire – donc évidemment plus vite – avec des gens – forcément plus jeunes – qu’on n’a pas le temps de former et qu’on ne peut pas former car on ne parle pas la même langue.

J’ai l’impression que la publicité vit la même accélération inconsciente que la société de consommation durant les décennies qui l’ont précédé. Ah ben merci, je me suis déprimé. Passons.

Pour le fond je regrette comme beaucoup la mondialisation des plateformes de marques, qui a souvent la fâcheuse conséquence de tout réduire au plus petit dénominateur commun. On ne compte plus les marques avec des discours simplistes, lénifiants, dégoulinants de bons sentiments, et surtout interchangeables. Rien de nouveau.

Vivement une bonne guerre. Ah, non, pardon, c’est le contraire : vivement une bonne bulle glorieuse où on pourra faire de la pub de mauvais goût.

Le milieu publicitaire va évoluer de quelle manière ?
Si je le savais, j’écrirais un blog, un livre ou mon testament.

Si tu commençais la pub en tant que rédac aujourd’hui, tu irais où ?
L’important, c’est avec qui. Assister ou bosser avec des gens qui ont quelque chose à nous apprendre, ça n’a pas de prix. Il faut des années pour devenir un bon rédac. Comme un DA qui a besoin d’une formation graphique, de faire un peu l’assistant, etc, jouer le second couteau d’un bon team pendant un an ou deux, ça vaut toutes les écoles et ça coûte moins cher.

Tu peux envoyer un mail au Virgile  de 20 ans, tu lui dis quoi ?
Tout va bien se passer, alors arrête de te ronger les ongles.

Mais la route est longue, alors n’arrête pas de lire.

Et à celui de 60 ?
J’espère que tu as enfin trouvé ce que tu voulais faire quand tu seras grand. Me dis pas que t’as continué là-dedans? On avait dit pas après quanran… cinquante ans. Et tu te ronges toujours les ongles?

On fait comment quand on débute ?
Avant de se faire un nom, il faut se faire une place. Alors on bosse son doss jusqu’à ce que chaque annonce mérite d’être glissée dans un D&AD.

Une fois entré on peut enfin manger des cailloux. Mais ça n’aura qu’un temps si la première étape a été bien suivie.
La suite, c’est un mélange d’endurance, d’audace et de chance.

Qu’est ce qui fait un bon rédac ? tu peux en nommer quelques-uns ?
Pour changer du portrait habituel, je dirais l’envie de se bagarrer un peu avec les mots, une curiosité pour la culture, le sens du rythme, du bon sens et du mauvais esprit.
Pour la mini louche de name-dropping… Gaultier, Royer, Dumas, Camensuli, Burgaud, Galmard, Manry… mais aussi Dard, Allais, Queneau, Perec… 

Tu enseignes a supdecrea en redac, c’est quoi le meilleur conseil que tu leurs donnes ?
Bouffer du titre. J’essaie de leur montrer le plus possible de campagnes de mots.

J’ai croisé trop de juniors qui sortaient d’école sans cette culture et qui, lorsque je m’étonnais de trouver si peu de mots dans leurs doss d’aspirants stagiaires, me répondaient « ah mais moi, je suis plus concepteur que rédacteur ». La non-violence n’a qu’un temps, et j’ai décidé d’aller taper les plus jeunes.

Après, pour les conseils précis, je n’ai pas de formule magique. J’espère semer quelques petites graines et leur donner envie de devenir de bons tombeurs de titres.

Tu as souvent travaillé sur de la presse qui est un média en chute libre, tu penses pouvoir en faire encore longtemps ?
Bien sûr. Mais est-ce que ça sera sur du papier, des écrans transparents ou des tatouages, c’est une autre histoire. On va continuer à faire évoluer les façons de communiquer ou d’influencer, mais on aura toujours besoin d’images qui bougent moins que les autres, et de titres par-dessus.
Ça reste l’exercice de la plus grande concision.