Sélectionner une page

Pour cet entretien, je rencontre Ellynore dans un café Parisien. Il est 9h…
Comme à son habitude, me dira-t-on plus tard, elle arrive pile à l’heure, et d’une humeur charmante. Elle commande nonchalamment un café noir et une blanquette de veau, et l’interview peut commencer:

Ellynore, quel a été ton parcours  ?

Après mon bac ES, j’ai eu un parcours plutôt littéraire: hypokhâgne, khâgne, master de lettres modernes, et concours de mots-fléchés. Ensuite, j’ai erré presque un an, à la recherche de ce que je pourrais bien faire de ma vie, et puis je suis tombée complètement par hasard sur une publicité pour l’école Sup de Pub. Sur le site, il y avait une description du métier de Concepteur-Rédacteur. Là je me suis dit “banco !”. Ou bien était-ce “bon sang mais c’est bien sûr !” ? (Elle se tait un instant, songeuse… comme replongée, soudain, dans cette époque sombre et peuplée d’incertitudes. Ndlr) Non, c’était “Banco!”.

Donc je m’inscris à Sup de Pub, j’y passe six mois et j’ai la chance d’être prise en stage chez BETC. À ce moment là, je n’ai dans mon dossier que le fruit de quelques mois d’école et des extraits d’une pièce de théâtre, écrite dans une autre vie. Mais avec Virgie Cheong, ma super DA de l’époque, on est tombées sur l’un des seuls créatifs de Paris que ça a fait marrer, et pour qui se marrer suffisait. (Ses yeux s’emplissent soudain d’une nostalgie rêveuse. Son regard, que j’imagine perdu dans l’horizon, cherchant à atteindre un souvenir lointain, est en fait en train de déchiffrer le plat du jour sur l’ardoise derrière moi. Nldr).

​Comme je ne savais rien de la publicité, j’avais tout à apprendre et BETC a été la meilleure des écoles. Et quand je dis “tout”… ça va de l’accroche, qui ne se dit pas “slogan”, aux places stratégiques du PSM (que celui qui n’a pas posé, par erreur, une fesse sur la terrasse des moches me jette la première bière). J’ai découvert la radio avec Vincent Malone, et même si j’en écris moins en ce moment, c’est resté l’une de mes disciplines préférées. Je trouve que, contrairement aux apparences, c’est un support qui laisse une grande liberté créative et où il y a plein de mots. Et vois-tu, Gregory, j’aime les mots. J’ai aussi beaucoup travaillé, et rigolé, avec le truculent Antoine Choque, alias Choque Norris. T’as bien noté que j’ai dit “truculent”? Grâce à eux, je suis restée chez BETC à peu près deux ans et demi, durant lesquels j’ai rencontré ma BFF Juliette Courty.

Avec Juliette, on avait dans l’idée de se mettre en team, et lorsqu’on nous a dit que Baptiste Clinet rencontrait des créas chez Ogilvy (merci Antoine Gauquelin), on a tenté notre chance, mais alors, sans y croire une seconde. On savait qu’il cherchait des teams plus seniors, donc on ne s’attendait pas du tout à ce qu’il nous embauche. Ce qu’il a pourtant fait, et regrettera plus tard, comme il le relate dans sa biographie intitulée “Erreur de casting: récit d’une descente aux enfers”.

Durant nos 3 ans chez Ogilvy, on travaille sur plein de budgets très différents comme Vittel, Netflix, Coca, Dove ou La Laitière… On écrit et on tourne beaucoup de films, et surtout, surtout: on gagne un Lion. Tu noteras que je ne dis pas “le premier” car il y a peu de chances qu’il y en ait un autre, à moins que je ne le vole, ce qui n’est toutefois pas impossible, rapport au fait que Baptiste en laisse trainer partout et que je n’ai aucune morale. Après ça, nos chemins professionnels se séparent, avec Juliette, et je rejoins Baptiste Clinet chez Herezie. C’est également à cette époque qu’on me diagnostique un Syndrome de Stockholm.

Depuis combien d’années travailles-tu dans le milieu de la publicité ?
(Elle sourit, coquette)​ Ça fera bientôt 6 ans, mais tout le monde dit qu’on dirait pas.

As-tu hésité à faire de la pub, tu aurais fait quoi à la place ?
Disons que j’ai arrêté d’hésiter quand j’ai découvert la pub, c’était un vrai soulagement de trouver enfin ce que je voulais faire. Mais juste avant, j’ai beaucoup douté. J’ai fait du théâtre pendant des années, et à un moment j’ai sérieusement pensé en faire mon métier. Et puis je me suis rappelée que j’aimais vraiment bien manger tous les jours et je me suis tournée vers des domaines professionnels disposant de tickets restos.

Tu travailles sur quels budgets, avec qui ?
Actuellement je travaille chez Herezie, sous la direction de création de Baptiste Clinet. C’est un passionné, il est super enthousiaste, super pédagogue… J’aime beaucoup bosser avec lui, on se marre bien. Et tu sais quoi, on dit qu’il est hyper sensible à la flatterie, mais c’est absolument faux.
On se connait depuis quelques années maintenant, c’est une longue story… ​(elle se met à rire) Tu l’as ? Story/Baptiste Clinet/Instagram… ​(Alors que son rire inextinguible s’accompagne maintenant de larmes et d’une toux grasse, je comprends quelque chose d’essentiel: Ellynore Attia aime l’humour. En particulier le sien. Ndlr)

Tes collègues disent de toi que tu es une rédac “violente”, peux-tu nous expliquer ?
Non c’est “volante”, ça veut dire que je travaille un peu avec tout le monde et un peu sur tout.
Ah… je suis pourtant sûr d’avoir entendu…Non.
Au temps pour moi. Au temps pour toi, ouais. En parlant de mes collègues, ça ne te dérange pas que je leur fasse un petit coucou ? Je t’en prie.
Non parce que, tu sais, si je peux faire profiter les copains de ma notoriété… Moi ça ne me coûte rien, et eux ça les met un peu dans la lumière, tu vois… COUCOU CYRIL, JOSEPH, AXEL & RAPH !

Tu fais quelque chose en parallèle de ton métier, des projets, des passions ?
Oui, manger. C’est à la fois une passion et un projet sans cesse renouvelé. Et je le fais souvent en parallèle de mon métier. ​(Alors qu’elle réclame une deuxième ration de pain pour accompagner son assiette de fromages, j’insiste pour obtenir des informations inconnues du public, de celles qui ne seraient pas déjà révélées par sa constitution solide. Nldr)
Et bien… On ne s’en douterait pas, mais j’aime beaucoup écrire des bêtises rigolotes. J’en fais des posts, des stories Instagram, des textos unanimement salués par ma mère… Mais j’envisage d’en faire quelque chose d’un peu plus concret. J’ai écrit une pièce de théâtre il y a quelques années, et l’envie de m’y remettre me titille un peu.

Parles nous de 2-3 choses que tu as faites :
Le thé Éléphant – Un délicieux lâcher-prise
Ma première campagne chez Herezie. J’aime vraiment écrire des accroches et, en fait, j’en ai assez peu l’occasion. Et puis, sur cette campagne j’ai eu la chance de travailler avec le rédac de génie, Philippe Lesevre, et un DA de prestige Julian Brice.

         

   

VITTEL – Time to Move
Petite campagne d’animation pour Vittel, qu’on s’est amusées à faire avec Juliette Courty, et les illustrations de Thomas Dollé-Labbé, chez Ogilvy.
https://vimeo.com/182456931
https://vimeo.com/182458203

NETFLIX – Lords of The Crown
Pour le lancement de la série “The Crown”, avec Juliette et Thomas Yves, on a fait dans l’anoblissement de Français. D’ailleurs, j’en profite pour dire qu’on s’est servis au passage, et que, maintenant, on est tous les trois de la haute.
https://vimeo.com/228972987

Et bien sûr, ce projet pour le rappeur Black M, pour lequel nous avons été récompensés à Cannes, avec Juliette Courty et toute l’équipe d’Ogilvy Paris.
https://vimeo.com/228972444

Quel est ton meilleur et pire souvenir ? Le truc qui t’as fait le plus halluciner ?
Sans hésiter le truc qui me fait le plus halluciner c’est la longévité de Patrice Dumas et Jean-Christophe Royer. Sans déconner, les mecs ne meurent jamais.
Mon meilleur souvenir c’est le Lion pour Black M. Mon pire souvenir c’est quand j’ai compris qu’il n’y avait pas de buffet pour les gagnants au Palais des Festivals.

Quelles sont les pubs que tu préfères, tes classiques  ?

J’ai une passion pour la publicité de la fin des années 80. On avait tellement de liberté à l’époque, et des clients vraiment audacieux.
https://www.youtube.com/watch?v=XkOYGrZQqmU
https://www.youtube.com/watch?v=Wmbla-2MkFY
https://www.youtube.com/watch?time_continue=1&v=fTiJLD_2blw

Tu as des modèles de créatifs dans la publicité ? ou en dehors, des gens qui t’inspirent ?
Oui. Charlie Palmer.

Et sinon, en moins impressionnants: Eddie Izzard, Alexandre Hervé, Régis Jauffret, Sarah Silverman, Patrice Dumas, Alexandre Astier, Alain Chabat, Georgia Nicholson & Jean-Christophe Royer

Tu es fan de quoi ? Peux-tu citer cinq trucs que tu kiffes ?
Kaamelott, Enrico Macias, absolument tous les spectacles d’Eddie Izzard, les dialogues de Michel Audiard et aller chez le docteur à chaque fois que je crois que j’ai un cancer. En ce moment on est sur une tumeur au cerveau.

Tu vois quoi comme changement dans le milieu de la pub ?
Mon licenciement suite à cette interview.

Tu peux t’envoyer un mail à la toi de 60 ans, tu lui dis quoi ?
“Quand tu te sens moche et vieille, souviens toi de Patrice & JC.”

Un conseil pour avancer/réussir dans ce métier ?
Ah oui, j’en veux bien.

(L’entretien se termine. Je remercie Ellynore pour son temps et sa franchise, puis elle s’en va, me laissant seul avec une légère tachycardie, et l’addition.)

« Ndlr : Note de la rédactrice »