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Bonjour Marc et Jean-Marc, quel ont été vos parcours scolaires/pros ?
On travaille ensemble depuis 20 ans. On pense pouvoir répondre l’un pour l’autre :

Jean-Marc : Marc à fait des études qui me fascinent : Math Sup, Math Spé. C’est mon ordinateur en viande. Quand il veut me faire comprendre ce que sont les mathématiques, il me dit que c’est une discipline qui t’embarque dans un autre monde.
Il a été jusqu’en 3ème année, jusqu’au moment où tu te fais des potes, tu sors, tu picoles, tu loupes un truc, tu comprends plus rien et tu reviens sur terre.
Le génie dans sa classe, c’était Bosio. Un type en jogging au fond de la classe qui jouait à faire rebondir sa gomme sur sa règle. Sans n’avoir rien suivi du cours, il intervenait toujours au moment où la prof avait fini d’écrire 1 kilomètre de formules aux tableaux pour lui dire qu’elle avait fait une erreur au début. La prof déglutissait, effaçait tout et recommençait à zéro. Elle est partie en dépression. En prod, Marc raconte de temps en temps cette histoire en mimant le geste de la gomme sur la règle. J’ai toujours plaisir à la réécouter et voir les autres la découvrir.

Marc : Jean-Marc a fait l’école Estienne. Ça pose un bonhomme quand tu dis ça. Ça éclabousse comme une robe d’intérieur en satin mauve. Pour moi, c’est vraiment la classe.
À l’époque, on y entrait dès le lycée. Je crois qu’il n’est pas allé jusqu’au bout de ses 5 ans. En fait, il a fait un stage chez DDB et ça lui a retourné le cerveau. Après, il n’a jamais pu revenir à l’école. Pourtant, il s’y marrait bien. Avec ses potes, ils tournaient des courts-métrages en pleine rue, en super 8. Ils avaient fait un film avec un fantôme, si je me souviens bien. Avec des jeux d’ombres, un peu à la Citizen Kane. Ça m’avait impressionné. Il a aussi eu la femme de Plumet comme prof là-bas, ils étaient tous amoureux d’elle.
À chaque fois qu’on bouffe avec lui, ils en parlent. Plumet, ça le fait marrer. Chez DDB, c’est là qu’on s’est connu. Lui était en stage avec Rouby et Serf, et moi avec Gaultier et Ducas.
Les stagiaires étaient dans le bureau des teams. Et on y restait longtemps, genre 6 mois. C’était le meilleur moyen d’apprendre le métier. Chez DDB, l’ambiance était survoltée. Barbecue de maquereaux dans les bureaux, batailles de pelotes flasques : c’était des boules de papier-cul mouillées qui se collaient aux murs et aux plafonds quand elles y atterrissaient, et mieux valait réussir à les éviter.

Du coup on est destiné à travailler dans la pub quand on s’appelle ‘Marque’ ?
Est-ce qu’on est destiné à être noyé dans la Vologne quand on s’appelle Grégory ?

Depuis combien d’années travaillez-vous dans le milieu de la publicité ?
Jean-Marc : Contractuellement depuis 1993. Mais j’ai croisé Marc en stage en 1992 chez DDB. Il était dans le bureau de Gabriel Gautier. Gabriel arrivait à 9h du matin, tombait les campagnes et repartait à 16h. Derrière il y avait Lafarge qui allait vendre et il y retournait tant que ce n’était pas vendu. Quand Marc avait un brief, Gaultier avait une idée dans la seconde, c’était toujours brillant et très dur à challenger. C’est à cette époque que nous nous sommes croisés et avons appris le métier. Notre entêtement a une excuse. Marc raconte aussi qu’il n’a plus jamais été le même le jour où Lafarge s’est assis sur la chaise de Gaultier pendant son absence, a sorti son zboub et a uriné par terre en regardant Marc droit dans les yeux.

Marc : Jean-Marc travaille dans la publicité depuis assez longtemps pour avoir l’expérience et le recul qui lui permet de trouver rapidement une solution, mais pas trop pour garder cette envie intacte de chercher toujours mieux, en conciliant à la fois la stratégie et son exigence créative.

Vous bossez sur quels budgets et avec qui ?
Marc : Je laisse Jean-Marc répondre. C’est ma mémoire. La mienne est beaucoup trop sélective.

Jean-Marc : En 1994 Marc a bossé avec Yan Stive chez FCB pendant 2 ans, ils ont bossé entre autres sur Mercedes.
J’ai quitté DDB pour rejoindre Marc chez FCB en 96. Pascal Manry nous a dit texto : «Vous avez carte blanche !» Et nous avons bossé sur : Tropicana, Bongrain, Cuisine Schmidt…
-Chez Saatchi avec Gilles Soulier sur : Toyota et Norauto…
-Chez BETC avec Daniel Fohr et Antoine Barthuel, Babinet et Xibé sur : Canal+, Orange, Peugeot, BNP Paribas.. ;
-Chez Publicis Conseil avec Plumet, Altman et Olivier Desmettre et Fabrice Delacourt sur : Renault, Orange, Coca-Cola, PMU, BNP Paribas…

As-tu hésité à faire de la pub, tu aurais fait quoi à la place ?
Jean-Marc : Grâce au cursus de Marc, les portes des métiers les plus prestigieux lui étaient ouvertes : Polytechnique, chercheur au CNRS, un poste à l’ESA… il a choisi la publicité.
Il a tout de même eu une courte période d’hésitation : Marc a passé, par curiosité, le très rigoureux concours de pilotes de lignes.
Le concours consistait, pour les derniers sélectionnés, à faire des heures de vols dans un monomoteur avec un instructeur qui lui faisait faire des paraboles ou qui coupait les moteurs à 5000 mètres d’altitudes.
Ils ont commencé à 8000 candidats et ils ont finis à 20. Marc était dans les 40 derniers avec les passionnés et les fils de pilotes avant qu’ils ne sélectionnent les 20 élus. Un angle d’atterrissage mal ajusté ou l’échec de la recherche du mannequin au fond de la piscine, Marc ne sait pas vraiment où il a merdé et après une soirée de Pastis au mètre il a tiré un trait sur l’aviation civile.

Marc : Jean-Marc était parti pour être comptable. Un piètre comptable, je précise.

Tu es fan de quoi ? (music/vidéo/artiste/jeu/cinéma…)
Jean-Marc : Quand j’ai rencontré Marc il était fan de Gainsbourg, Bashung, de funk.
La dernière fois dans sa voiture, quand on allait chez Orange, il y avait KidA de Radiohead, mais au fond je ne sais pas vraiment ce qu’il écoute aujourd’hui.
En ciné, je sais qu’il était fan de Lynch et de Polanski. Il m’a dit un jour de regarder Le couteau dans l’eau de Polanski, que c’était son film préféré. J’ai loué la K7, j’ai tenu 10 minutes.

Marc : Jean-Marc est fan de Robert Zemeckis, Steven Spielberg, Stanley Kubrick, Will Ferrell, Depeche Mode et de tout objet dérivé de films ou d’artistes qu’il aime, signé si possible, des planches de bd originales, une carte postale envoyée par Louis de Funès, et surtout pas mal de fringues vintages floquées dont la mocheté est sublime.

Tu fais quelque chose en parallèle de ton métier, des projets ?
Jean-Marc : Marc joue de la basse dans un groupe. Les mecs se débrouillent très bien, je les ai vu 2 fois en concert et Ils n’ont cessé de progresser. Marc a appris la basse en autodidacte. Dans les 90’s je suis allé chez lui et il s’était acheté tout le matos.
J’étais certain qu’il laisserait tomber, mais Marc n’a jamais abandonné. Il y a quelques années, il a même cramé ses heures DIF pour apprendre les bases théoriques de la musique et chiader son placement de doigts sur l’instrument. Quand on se retrouve en séance son pour un film, Marc arrive toujours à découper parfaitement le morceau de musique que le client a payé une fortune pour que celui-ci tienne en 20“.

Marc : Jean-Marc retouche des photos en couleurs décolorées des années 70, avec une précision et une minutie qui confine à la perfection pour retrouver les teintes originales, application maladive que j’adore et que l’on retrouve chez Jean-Marc à toutes les étapes de la production d’un film publicitaire.

En même temps que qui avez-vous évolué ? votre ‘génération’ de créas, les copains des débuts.
Fabien Chiaffrino dit La Chiaff, Vincent Lobelle dit La Vincente, Eric Astorgue, Luc Rouzier, Virginie Speight, Pierre Riess, Romain Guillon Sebastien Zanini, Pierre-Marie Faussurier, Christophe Caubel, Jean-Christophe Royer, Yves Loffredo, François Paul, Benedicte Potel, Thierry Lebec, Simone Spang, Delphine Vallette, Anne Charlotte Raynaud, Stéphane Renaudat, Vincent Behaeghel, Jocelyn Devaux, Jean-François Sacco, Gilles Fichteberg, Vincent Pedrocchi, Fifi Boucheron et Patrice Lucet, Gérald Schmitt, Patrice Dumas, Luc Rouzier, Remy Tricot, Olivier Couradjut, Fred Royer, Olivier Camensuli, Mathieu Vinciguerra, Olivier Dermaux, Yan Stive, Pascale Gayraud, Fabrice Dubois, Bruno Delhomme, Andrea Leupold, Jorge Carreno, Eric Hélias, Robin de Lestrade, Guilhem Arnal,… et des tas d’autres personnes talentueuses qui nous font rire et que nous respectons.

Parlez-nous de 2-3 choses que vous avez fait  :
Marc : Il y a eu les films Norauto chez Saatchi qui nous ont lancés, notamment celui qui commence façon Microcosmos sur des fourmis qui ramassent des nouilles qui s’avèrent être le vomi d’un enfant dont la voiture roule sur une route sinueuse avec de vieux amortisseurs.

Les premiers grands films Canal+ chez BETC, celui des Wisigoths où on apprend que les morts au cinéma, ben c’est des acteurs qu’on tue vraiment et celui des Bandes Noires où on apprend que le format cinémascope, c’est des vraies bandes noires en dur que les acteurs peuvent parfois se prendre en pleine gueule.

https://youtu.be/SD3gtmz8WsQ

La saga PMU chez Publicis où les jockeys se mettent au sport, celui où les jockeys font un car jacking à l’envers, ceux qui expliquent la véritable histoire de la mort de JFK et celle du Titanic…

 

Il faut savoir aussi que Jean-Marc déteste le film Renault du géant qui pêche des humains pour les bouffer avec une Clio comme appât, alors que moi je l’adore, et qu’il y a un nombre incroyable de créatifs qui nous parlent de ce film en nous disant à quel point il les a inspirés. J’adore voir la gueule de Jean-Marc quand des jeunes nous en parlent. Il n’ose plus rien dire maintenant, avec le temps, mais je sais ce qu’il pense.

 

Jean-Marc : pour célébrer nos 20 ans en team Marc et moi avons créé notre propre site avec presque toutes nos campagnes : tramorosier.com. Pour l’instant seules nos mères l’ont consulté.

(NDLR : il y en a bien plus sur leur site, je vous laisse les regarder directement là-bas)

Quel est ton meilleur et pire souvenir ?
Jean-Marc : Le meilleur souvenir de Marc c’est peut-être le soir où on s’est retrouvé au fin fond de la Floride à faire un karaoké avec les gens du coin. Il y avait un cowboy qui prenait ça très au sérieux, des vielles ricaines de 80 ans qui voulaient absolument danser avec moi et Marc ivre, qui me répétait sans cesse en hurlant : « Mais putain regarde, c’est du David Lynch ! »

Marc : Le meilleur souvenir de Jean-Marc, c’est je crois le tournage de Wisigoths pour Canal+. Il était impliqué sur la moindre couture du moindre figurant situé à moins de 250 mètres de l’objectif.

Jean-Marc : Le pire souvenir pour Marc c’est à Buenos Aires pendant un tournage PMU dans un superbe hôtel.
Dans les toilettes de sa chambre Marc fait un colombin gigantesque et n’arrive pas à le faire partir : l’amalgame merde/papier toilette fait bouchon. A force de tirer la chasse, l’eau commence à monter dangereusement. Ne voulant pas infliger ce triste spectacle au personnel, Marc se sent obligé de descendre dans le jardin de l’hôtel pour trouver un bâton et tenter de repousser le bouchon dans le conduit. Bâton en main et après plusieurs essais infructueux, les toilettes restent bouchées. Pris de panique, Il laisse en plan son bâton dans les toilettes et part dans Buenos Aires chercher une ventouse. Après plus d’une heure d’une quête folle, il franchit enfin le hall de l’hôtel avec dans une main la ventouse et en guise de manche, n’ayant trouvé rien d’autre, celui d’un balai. Mais arrivé en chambre il est trop tard, entre-temps le personnel d’entretien est passé, son bâton dégueulasse a disparu et les toilettes sont immaculées. Ce qu’a pu voir et penser le personnel de ménage : c’est ici que se loge son pire souvenir.

Marc : Son pire souvenir, c’est sûrement le tournage de notre tout premier film pour un fromage qui s’appelait Marbleu, un film d’époque là aussi, avec des barbares qui guerroyaient en s’envoyant par catapulte toutes sortes d’objets anachroniques. On était très jeunes, totalement inconscients. On était dans une tente devant notre retour « agence » et le client était dans une autre tente devant son retour « client ». On avait des talkies pour communiquer entre nous et on n’arrêtait pas de déconner avec. À un moment, j’ai dit, ça m’a échappé, pris dans l’euphorie du moment (c’était une insulte qui se disait à tout bout de champ dans mon école primaire du sud de la France) : »Ta mère la pute ! » Il y a eu un moment de silence. Un temps de latence qui nous a paru une éternité et pendant lequel j’ai senti et vu dans le regard de Jean-Marc que j’étais allé trop loin, que la fête était finie, que dès le lendemain, on serait virés. Quand soudain le grésillement du talkie s’est fait entendre, suivi de la voix du client qui a lâché : « La tienne la première ! » Soulagement. La fête pouvait continuer !

Marc et Jean-Marc : Un souvenir commun qu’on aime bien se rappeler quand on sent qu’on s’égare et qu’on a besoin de revenir sur Terre : on était sur le périph, en voiture, super énervés parce qu’on venait d’avoir les résultats du club des AD. On n’avait eu que le troisième prix. Bref, on était dégoutés, on disait du mal de tout le monde quand tout à coup, on voit un clodo qui campe sur le bas-côté du périph. À côté de son réchaud, il y avait une boîte de Frolic. Putain, le gars mangeait des croquettes pour chien. On s’est arrêté net de parler. On a juste marmonné : « Troisième, c’est très bien… »

Quelles sont les pubs que tu préfères, tes classiques ?
Marc et Jean-Marc : Apple Tango – Seduction ; « Il a chié un homme » pour le journal belge De Morgen ; la saga outpost.com ; la saga Fox Sport « Beware of things made in october »…

De Morgen :
http://www.culturepub.fr/videos/de-morgen-fouille-anale/


https://www.youtube.com/watch?v=PZzZollgmNQ

https://www.youtube.com/watch?v=sckdI3Is-_Y

 

Fox Sport :

 

Cadeau :

 

Tu as des modèles de créatifs dans la publicité ? ou en dehors, des gens qui t’inspirent ?
Jean-Marc : Dans le métier pour Marc ce sera toujours Gabriel Gaultier. Si je citais une seule des personnes qui l’inspire en dehors du métier, nous serions limogés dans l’heure.

Marc : Dans la publicité, Jean-Marc a pour modèles Bill Bernbach.
Dans le dessin humoristique, Gary Larson.
Dans l’humour : Ben Stiller, Will Ferrell.
Et beaucoup d’autres.

Tu vois quoi comme changement entre tes débuts et maintenant ?
Jean-Marc : Pour Marc : Rire ➔ Moins Rire.
Marc : Jean-Marc avait les cheveux longs et moi courts. Aujourd’hui, c’est lui qui les a courts et moi longs.

Et le milieu publicitaire va évoluer de quelle manière d’après vous ?
Jean-Marc : Pour Marc : 2 solutions : Soit les machines vont finir par faire notre boulot, soit les bonnes campagnes vont finir par refaire surface.
Marc :
Il ne peut aller que mieux. Sinon, on va tous mourir.

Tu peux envoyer un mail au toi de 20 ans, tu lui dis quoi ?
Jean-Marc : Marc recevrait: Assez perdu de temps dans l’aviation civile, commence à travailler ton doss avec un mec qui s’appelle Tramoni, tél : 572 58 81.
Marc : Si Jean-Marc s’envoyait un mail au Jean-Marc de 20 ans, il lui dirait : tu vas voir, tu vas traverser quelques turbulences, mais tu vas t’en payer une bonne tranche.

Un conseil pour réussir dans ce métier ?
Marc et Jean-Marc :
Soit être la pire des salopes, marcher sur la gueule des autres pour monter plus haut.
Soit rester fidèle, honnête et fou. Et ne jamais rien lâcher.