Sélectionner une page

Bonjour Olivier, tu es concepteur-rédacteur chez Publicis, quel a été ton parcours ?
J’ai commencé à travailler à Bruxelles car j’ai fait mes études à St Luc Tournai, en Belgique. Au sortir de l’école, une ancienne élève qui travaillait déjà à Bruxelles depuis 2 ans m’a proposé de devenir son rédac stagiaire dans une petite boite. Comme j’étais secrètement amoureux d’elle, j’ai accepté. Il ne s’est jamais rien passé entre nous, mais ça a néanmoins été une chouette expérience. Mais il n’y avait pas beaucoup de budgets, donc le terrain de jeu était limité : j’ai alors changé pour de plus grosses agences, Ogilvy, TBWA, jusqu’à me faire engager chez Leo Burnett.

Après 2 années chez LeoBurnett, j’ai eu envie de revenir en France, car j’avais des amis qui y faisaient de beaux débuts. Je me suis alors fait engager par Fred & Farid chez CLM/BBDO en 2000. Ils venaient de passer DC d’une cellule, centrée autour du budget Pepsi. C’était vraiment enthousiasmant de travailler avec eux à l’époque. Ils avaient une fraîcheur et une énergie incroyable. Avec le recul, c’est vraiment bien d’avoir vu sous nos yeux la naissance de la bête « Fred&Farid »… Après leur départ à Londres, on a travaillé avec la DC Anne de Maupeou. J’aimais beaucoup le côté instinctif, très « artistique » d’Anne. Puis fin 2006, on est parti rejoindre Olivier Altmann chez Publicis, grâce à une « introduction » de Capucine Chotard.

Altmann est vraiment différent de Fred&Farid et d’Anne. Il est très analytique. Extrêmement intelligent. Même si son côté très cartésien et cérébral l’empêche parfois d’acheter des scripts trop « ovni »… C’est quelqu’un de très rassurant pour les clients comme pour les créatifs car on sait que chacune de ses décisions est réfléchie et justifiée.

Depuis combien d’années travailles-tu dans le milieu de la publicité ?
Depuis 15 ans maintenant.

Tu as de la famille, des contacts proches, qui travaillaient dans ce milieu avant d’y entrer ?
Non, aucun. C’est d’ailleurs ce que j’aime dans ce métier : il y a très peu de fils à papa, pistonnés par leur famille.
Je pense que c’est dû au fait qu’il faut vraiment être passionné par ce métier pour le faire : on ne fait pas de la pub comme on déciderait à 20 ans de reprendre la boîte de papa, parce qu’on ne sait pas quoi faire d’autre.

Il y a donc des gens qui viennent de tous les horizons, et de toutes les couches sociales. Ce qui est très sain…

Tu as hésité à faire de la pub ? Qu’est-ce qui t’as donné envie d’en faire ?
Non je n’ai jamais hésité ! Je suis plutôt timide et je n’ai pas une énorme confiance en moi, et encore moins quand j’étais lycéen, mais je n’ai jamais eu aucun doute sur le fait que je me débrouillerais bien à Paris dans ce métier. C’est bizarre…

J’ai toujours aimé la pub… Je me souviens que lorsque j’avais 5, 6 ans, je passais mes vacances chez mes grands-parents et nous regardions chaque soir le film à la télévision. Et après le film, vers 22h30, quand ma grand-mère s’approchait de la télé pour l’éteindre, je lui demandais toujours qu’elle attende et qu’elle n’éteigne qu’après la pub… C’était un prétexte pour profiter de quelques secondes de télé en plus… Et au fur et à mesure, j’ai commencé à aimer la pub : c’était souvent drôle, rythmé, parfois subversif… À l’époque, elle avait encore bonne presse et lorsque j’étais adolescent, avec mes parents nous commentions les bonnes et les mauvaises pubs. Je me souviens qu’ils avaient trouvé la signature de la Française Des Jeux « 100% des gens auront tenté leur chance » particulièrement maligne.

Il faut se rendre compte qu’en 1980-1990, le JT du 20:00 lui-même faisait la part belle à la pub. Je me souviens de la présentation du spot publicitaire réalisé par Jean-Paul Goude pour le parfum « Egoïste » de Chanel, c’était un événement digne de figurer dans le journal télé. C’est inimaginable aujourd’hui. À l’époque la consommation était sacralisée, et la pub, son porte-étendard, était adorée ! Plus tard, en me renseignant sur ce métier de publicitaire, ce que j’ai aimé aussi c’est que c’est à la jonction de l’art et du business. Ça me plaisait, et j’ai donc tout naturellement opté pour ces études.

Tu travailles avec qui et sur quoi chez Publicis ?
Je travaille en team avec Mathieu Vinciguerra depuis 2000. Au niveau DC, je travaille principalement avec Olivier Altmann sur Renault, Orange, La Tribune, Wonderbra, Stilh… Avec Hervé Riffaut sur RATP, Europe 1… Avec Frederic Royer sur les budgets Nestlé-Dolce Gusto, Rowenta… C’est intéressant de rencontrer beaucoup de DC, de se frotter à beaucoup de clients. On ne s’ennuie pas chez Publicis !

Parles-nous de deux trois choses que tu as faites en pub qui t’ont marquées
Chez CLM, on a fait la campagne annuelle de Nicolas Hulot 4 ans de suite. Sur un plan personnel, l’écologie est un sujet qui me touche. Ma grande sœur travaille au ministère de l’écologie et elle passe tous ses week-ends à faire des manifs anti-nucléaires, donc je sais de qui tenir ! C’est génial de travailler pour une cause qu’on aime ! Honnêtement, on ne faisait pas ces campagnes pour les prix au Club. Même si ces campagnes nous ont bien permis de briller…

Chez Publicis, on a fait 4 films Orange, dont le film « Planet », qui me laisse un souvenir merveilleux. Tout a été merveilleux, le travail avec Planchon, le voyage de 3 semaines autour du monde… Le film a été beaucoup diffusé en France, et c’est agréable d’avoir une pub que sa famille voit à la télé tous les soirs… Et le film a été parodié la même semaine par « Groland », et par « les guignols de l’info » !

Tu fais quelque chose en parallèle de ton métier, des passions ?
Je suis assez passionné par l’art. J’adore traîner dans les ateliers d’artistes comme jonOne, JR, William Klein… Je crois que je n’aime rien de plus au monde que de m’asseoir par terre dans l’atelier de jon et de le regarder peindre.

Et j’organise en ce moment avec le photographe anglais Rankin une exposition photo sur le thème de la musique, qui pourrait être très cool… Je croise les doigts pour ça voie le jour !

Dans ton métier, quel est ton meilleur souvenir ?
J’ai une certaine tendresse pour mes débuts de stagiaires avec comme seule opportunité créative de faire une belle accroche sur une image de stock, ou sur un « packshot produit » pourri. Eric Vervroegen m’avait dit à l’époque « si tu dois faire une annonce quart de page dans un journal régional, débrouille-toi pour que ce soit le meilleur quart de page du monde ». J’aime bien cette philosophie. Se battre quel que soit le brief. C’est sans doute pour ça que les belges sont si brillant en cyber, car ils peuvent faire de très belles choses avec très peu d’argent. En France, on est peut-être un peu des enfants gâtés…

Et le pire ?
Se faire jeter des bonnes idées pour de mauvaises raisons (politique interne chez le client, frilosité au sein même de l’agence…).

Le truc qui t’a fait le plus halluciner ?
Avoir une petite idée griffonnée sur un bout de page, et se retrouver 3 semaines plus tard à l’autre bout de monde avec un budget de 2,5 millions d’euros, pour que cette idée voit le jour dans les meilleures conditions… C’est merveilleux ! Dans ces cas-là, on fait vraiment le plus beau métier du monde !

Ce que tu ne pensais pas faire un jour ?
Hier soir à 4 heures du matin, j’étais dans le métro pour le shoot de la nouvelle campagne RATP. Et comme il manquait de figurants, je me suis prêté au jeu et j’ai fait « l’acteur ». J’aime ces moments amusants et inattendus que nous réserve ce métier. Mais je crains qu’une bonne partie du budget retouche de cette photo ne soit octroyée au blanchiment de mes dents…

Il y a des gens avec qui tu aimerais travailler ?
J’aimerais que Robert Smith me compose une musique pour un spot. Un jour peut-être…

Quelle est, historiquement, la pub qui t’a le plus marqué ? Celle que tu aurais aimé faire ?
Toutes les pubs dont les « vrais » gens parlent. Beaucoup plus qu’une obscure pub « Ghost» dont les vrais gens n’ont jamais entendu parler…
Souvent les pubs qui me plaisent le plus sont les affiches : je trouve que c’est là que s’exprime le mieux l’art du publicitaire. Résumer une idée en un visuel est un exercice d’une grande pureté… Ça fait sans doute un peu vieux con de dire ça à l’ère du digital, mais bon…

Tu as des modèles de créatifs dans la publicité ? Des gens qui t’inspirent ? Pourquoi ?
Quand j’étais chez TBWA à Bruxelles, Erik Vervroegen y était encore DA. Ce mec a un charisme et une capacité de création et de travail incroyable. Il me fascinait et j’ai beaucoup appris de son amour du métier. Après un passage par des agences à l’étranger, il devenu directeur de création chez TBWA Paris en 2002. Son énergie, son professionnalisme ont secoué l’agence et tout le milieu publicitaire parisien. C’est marrant de voir un belge redorer le blason de la création publicitaire française !

Le publicitaire idéal serait Frankenstein mélangeant le côté bulldozer égotique de Fred & Farid, l’intuition artistique d’Anne de Maupeou et le coté « carré » et « métal » d’Altmann…

Si tu commençais la pub aujourd’hui, tu irais où ?
Pourquoi pas Buzzman ? Sinon, je conseille toujours aux stagiaires d’aller faire un tour chez CLM qui reste, contre vents et marrées, une belle agence qui donne sa chance aux jeunes.

Tu vois quoi comme changement entre tes débuts et maintenant ?
A mes débuts, on pouvait tout tenter. Le bddp&fils de l’époque était assez bluffant. Toutes les semaines, on voyait une annonce pour un « dot com » qui repoussait les limites, quitte à montrer du vomi, à évoquer les lignes de coke… Aucune de ces annonces ne verrait le jour aujourd’hui !

Tu penses que le milieu va évoluer de quelle manière ?
La crise s’éloignant, j’espère que les clients vont reprendre un peu confiance dans leurs agences et vont arrêter de tester et re-tester les campagnes. Nous sommes des agences « conseil » : que les clients écoutent nos conseils et nous fassent confiance.
Malheureusement, ce sont parfois les agences elles-mêmes qui ont perdu confiance et qui n’osent plus amener une seule campagne dans laquelle ils croient !!! Ayons confiance en nous, et les clients nous suivront…

.