Bonjour Ninon & Geoffrey vous êtes respectivement CR et DA, vous venez d’où ?

Ninon : Je viens d’un petit village perdu de Franche-Comté qui m’a rapidement donné envie d’aller voir si l’herbe était plus verte en quittant la campagne. Après un bac S option Galère-je-sais-pas-ce-que-je-veux-faire, je me retrouve en école de commerce, et je fais rapidement des stages en agence de pub en tant que commerciale. Je passe par JWT et je rencontre des créas (coucou Paul-Émile et Adrien) qui me parlent de Sup de Création. Quelques mois après, j’arrive à Lille et je rencontre Geoffrey. J’aimerais te dire que ça a marché dès le début et que ça a été une évidence, mais c’est faux. On a pris ensemble notre premier brief et on s’est promis de ne plus recommencer.

Puis notre meilleure idée voit le jour : oublier cette promesse et ne plus se lâcher. Ensemble, on fait des premiers stages chez Rosa puis Romance. On devient adultes en décrochant un premier CDI chez Serviceplan (d’ailleurs en parlant de se sentir adulte, c’est un peu l’effet que ça m’a fait quand tu nous as contactés pour nous proposer cette itw. À l’école, on les lisait toutes, alors se retrouver dedans, ça donne un peu l’impression d’avoir grandi). Peu de temps après, on rejoint Buzzman pour trois ans, et récemment, on est arrivés chez Sid Lee.

Geoffrey : De Reims. 
Ha, tu veux que je développe un peu ? Eh bien, aussi jolie que notre cathédrale soit, et aussi bon que le champagne puisse être, j’ai vite compris que ce n’était pas ici que les choses se passaient. Alors à 18 ans, en ayant réussi à ne jamais faire les vendanges, je pars à Lille. Bon, ce n’est pas forcément là que se passent les choses non plus, mais déjà un peu plus. Je dépense toutes mes économies dans un Mac et un reflex, et je débarque à l’Iscom en pensant que ça y est, j’allais devenir directeur artistique (je ne savais même pas vraiment ce que ça voulait dire).

Mais là, je déchante un peu. Les cours de marketing ou de droit de la communication, c’est un peu loin de l’idée que je me faisais de la pub. La deuxième année, alors que mes parents reçoivent beaucoup trop de sms pour leur dire que je sèche les cours, je découvre l’existence de Sup de Création. Cette école forme en team, et les élèves sont embauchés chez Buzzman ou Marcel, ce qui paraissait l’Everest pour un étudiant lillois qui a eu son bac il y a moins de deux ans. Let’s go, je passe le concours, j’y fonce la rentrée suivante. La suite, elle se passe avec Ninon, et elle vous l’a racontée juste au-dessus.

Tu as commencé quand la pub ?

Ninon : Quand j’avais 7-8 ans et que je gonflais ma famille à ne pas vouloir qu’ils zappent pendant la pub parce que je voulais jouer à c’est qui la marque du spot (ce jeu n’est pas homologué, mais en bonne mauvaise perdante, tu imagines bien que je gagnais tout le temps). Et sinon, en 2017 en rencontrant Geoffrey à Sup de Créa.

Geoffrey : Depuis 2017 si on compte les stages, 2019 sans.

As-tu hésité à faire de la pub, tu aurais fait quoi à la place ?

Ninon : Je me souviens qu’à la rentrée au lycée, quand les profs demandaient d’écrire ce qu’on voulait faire sur un papier plein de ratures avec des cœurs au-dessus des i, ça m’est arrivé de répondre conceptrice-rédactrice. Mais je n’avais aucune idée de comment parce que j’avais juste lu 99 francs. Quand il a fallu choisir, tout s’est enchaîné hyper naturellement, et je n’avais même pas l’impression de faire des choix. Si je n’avais pas fait ça, j’aurais sûrement fait quelque chose de complètement différent. Comme éducatrice spécialisée.

Geoffrey : « Soigneur de dauphins » comme je le disais à 6 ans. 

« Designer de voiture » comme je le disais à 12. 

Puis j’ai développé une fascination pour les clips. Je passais des journées entières à zapper entre Virgin 17, NRJ Hits, MTV, MCM, MCM Top, MCM Pop… J’en ai bouffé des tubes des années 2000 qui me perceraient les tympans aujourd’hui. Mais ça m’a passionné pour l’image, et je rêvais de faire des clips. J’ai dû entendre quelque part à la télé qu’il y avait des directeurs artistiques qui bossaient là-dessus, alors c’était tout tracé pour moi : je serai directeur artistique. Et quand on demande à des conseillers d’orientation comment on devient directeur artistique, on te répond dans les écoles de com. Et hop, j’atterris dans la pub.

Tu travailles sur quels budgets, avec qui ?  

Chez Sid Lee, on travaille avec Stéphane Soussan et Céline & Clément Mornet Landa sur les différents clients de l’agence ainsi que sur des pitchs. C’est une agence différente de celles par lesquelles on est passé avant, où l’on est beaucoup moins nombreux et où l’on nous permet de porter davantage nos projets.

..et dans les agences précédentes  ?

À nos débuts, on a fait pas mal de grande distrib. On a commencé avec du Monoprix chez Rosa (un petit coucou à Nicolas Gadesaude et Julien Saurin au passage), pas mal d’Intermarché chez Romance (et beaucoup de rédac du coup aux côtés d’Adrien Plouard et Alexandre Hervé) et beaucoup beaucoup d’Auchan chez Serviceplan avec Dimitri et Fabien. D’ailleurs en parlant d’Auchan, c’est l’exemple parfait du compte où tu te dis qu’il y a tellement de going à faire qu’à priori, tu ne vas pas beaucoup t’amuser, et puis tu te convaincs vite du contraire en faisant tes premiers Lions avec une équipe géniale (et on ne peut pas parler d’Auchan sans citer Lydie et Philippa, les deux commerciales de folie qui nous ont aidé à vendre cette idée au client). Là-bas, on a aussi rencontré deux super copains (coucou Damien et Julien) et on en profite pour leur faire de la pub en vous invitant à découvrir leurs projets sur leur insta @Donetdams.

Après ça, on est arrivés chez Buzzman où l’on a forcément fait pas mal de Burger King (surtout avec Tristan & Louis et Lilian & Julien), du IKEA avec Sébastien Partika, découvert La Vie avec Victor Sidoroff, et touché à quelques autres clients aux côtés des différentes personnes talentueuses de cette agence.

Vous pouvez citer des campagnes que vous avez sorties ? : 

La Vie : 

Et quand on voit ça, on est hyper fiers. 

https://www.linkedin.com/posts

Mercredeal – Burger King : 

Quand tes parents reprennent ton “c’est quand mercredi” tu te dis que t’as tout gagné

GPS Quality Label – Auchan :

The Other Whopper – Burger King Belgique : 

Notre première prod chez Buzzman, notre première “clodoprod” tout court et un tournage rigolo en Belgique. 

Premiers pas pour le climat – Little big Change : 

Nos petits prix sont grands – Auchan

Tu fais quelque chose en parallèle de ton métier, des projets, des passions ?

Ninon : Je vais beaucoup (beaucoup) au cinéma. Au moins une fois par semaine. Je crois que je compense tous les grands films que j’ai loupé plus jeune en ne voulant plus en louper un aujourd’hui. Et puis c’est quand même agréable de laisser quelques heures sa vie pour se plonger dans celles des autres le temps d’un film.

Sinon, j’ai le projet d’écrire un jour quelque chose. Un roman, une nouvelle, un recueil. Je ne sais pas encore. J’ai quelques idées, mais rien d’assez évident pour foncer. Alors en attendant d’avoir la bonne (et les bonnes centaines de pas bonnes avant donc) j’essaie de lire de plus en plus. Je me suis découvert une passion pour les romans graphiques. Pour en citer quelques-uns, il y a forcément l’Arabe du Futur de Riad Sattouf, TOUS ceux de Liv Strömquist, Moi ce que j’aime ce sont les monstres d’Emil Ferris, et René.e aux bois dormants d’Elene Usdin (merci Geogeo pour le cadeau).

 

Geoffrey : Comme Ninon, ma carte UGC est très très bien rentabilisée. Suivez-nous sur Letterbox d’ailleurs haha. Et je suis tout aussi boulimique de musique que de films. Il n’y a plus de place dans mes cubes de rangement de vinyles. Et sinon je voyage pas mal, alors j’essaie d’en tirer de belles photos. J’ai pris des cours de musique électronique aussi. J’ai adoré ça. Ça fait un an que je dis qu’il faudrait que je m’y remette.

Quel est le truc qui vous a fait le plus halluciner ?  

Les règles de baby-foot qui diffèrent d’une agence à une autre (si quelqu’un de Sid Lee passe par ici, ceci est un appel à votre générosité pour en avoir un).
Des inconnus qui prennent nos pubs « La Vie » en photo dans le métro. 
Le prix d’un burger à Cannes sur la Croisette (Dim et Fab, encore merci pour l’addition)

Quelles sont les pubs que tu préfères, tes classiques ? 

Mr W – Epuron

Françoise – Loto

The most fertile woman in the world – Canal digital

La marche de l’empereur – Canal+

Opt outside – REI

Puppy monkey baby – Mountain Dew  (Geoffrey cautionne qu’à moitié mais moi -Ninon- ça me bute à chaque fois)

Nazis against Nazis 

« Broadway the Rainbow » – Skittles

print :

Scream Your Own Name – Womanizer 

Try Not to Hear This – Coca-Cola

Tu as des modèles de créatifs dans la publicité ? ou en dehors, des gens qui t’inspirent ?

Le premier modèle qu’on a eu, c’était Hervé Temmerman, notre prof à Sup de Cré, qui a été un peu notre premier papa de créa en nous apprenant ce qu’était un insight. 

Après, dans un ordre aléatoire, on admire beaucoup Virgile Lassalle et Vincent Boursaud (pour leur talent, mais pas au bowling), Dimitri Guerassimov et Fabien Teichner grâce à qui notre carrière a démarré, Tristan Daltroff et Louis Audard ainsi que Lilian Moine et Julien Doucet avec qui on a beaucoup appris chez Buzzman, David Philipp et Olivier Mularski qu’on a découvert à l’école puis autour d’une bière. Et là, on se rend compte qu’on n’a pas croisé beaucoup de femmes, et qu’on aimerait pouvoir en citer plein si on refaisait cette interview dans 10 ans.

En dehors de la pub, notre rêve, c’est de tourner avec Gaspar Noé. Ou au moins de lui piquer son idée de montage à l’envers d’Irréversible pour un spot.

Mais plus largement, on adorerait faire de la pub qui n’a pas l’air d’en être. Un court-métrage, un clip, un bouquin, une expo… et pour ça, il faudra forcément bosser avec des gens très talentueux (mais surtout avec un client qui aime le risque).

À ton avis, le milieu publicitaire va évoluer de quelle manière ?

On prend la pub d’aujourd’hui. 
On enlève malheureusement quelques métiers. On ajoute malheureusement des IA pour les remplacer. 
On ajoute des femmes à hauts postes, on espère. 
On enlève pas mal de bureaux d’agence aussi. Si on peut être plus heureux en travaillant ailleurs, tant mieux. 
On enlève probablement encore un peu d’argent pour faire des grosses prod.
On enlève le green, le pink, et tous les autres *insérer couleur* washing. 
À la fin, il reste quoi ? Des idées, ça ça ne bougera pas.

Tu peux envoyer un mail au toi de 60 ans, tu lui dis quoi ?  

Ninon : Bien joué ma vieille, tu es encore là ! J’espère que Geoffrey fait encore partie de ta vie, qu’entre temps, c’est devenu un super tonton (pas gênant stp fais un effort) et que tu es heureuse là où tu en es. 

PS : Si tu n’as pas encore écrit ce fameux livre, c’est le moment ! 

Geoffrey : J’aurai des tas de questions. 

Alors, t’as réussi à arrêter de te ronger les ongles ? 
Est-ce que t’as enfin repris la musique ? 
Les gens que t’aiment sont toujours auprès de toi ? 
Tu peux m’envoyer un peu d’argent ? J’essaie d’acheter un appart, mon RIB est en PJ.

Un conseil pour réussir dans ce métier ?

Ninon : Entoure-toi des bonnes personnes, celles que tu admires, celles qui ont du temps à te donner, celles qui te rendent meilleur. N’aie pas peur de présenter ton book. N’aie pas peur de déranger (si on est rentrés chez Buzzman, c’est sûrement parce qu’on a dérangé Georges à Cannes en pleine soirée pour lui dire qu’on rêvait de bosser dans son agence. Spoiler : ça a marché.)
N’aie pas peur d’insister (dès notre premier stage, on a tenté d’entrer chez Buzzman, il aura fallu attendre trois ans et un petit coup dans le nez pour que ça se fasse). Et surtout amuse-toi. 

Geoffrey : Oui, le plus important est de trouver des mentors. Il faut rencontrer un maximum de monde, être curieux, et choisir un feeling humain avant un beau nom d’agence.

Et ensuite, je dirais qu’il faut se donner à 200% les deux ou trois premières années. Il n’y a pas de secret, pour avoir de bonnes idées, il faut en avoir beaucoup de mauvaises avant. Notre méthode, c’était d’aller boire un verre en bas de l’agence, de passer prendre un plat micro-ondable au G20, et de remonter chercher des idées.

Si tout se passe comme prévu, il devrait y en avoir quelques-unes pas trop mauvaises au bout d’un moment. Avec un peu de chance, elles plairont au DC, puis au client, et seront produites. 

Des automatismes créatifs vont s’installer, et tout paraîtra plus simple que quelques années auparavant. Et là, vous pourrez passer à seulement 100% (voir 50% certains vendredis difficiles). 

NDLR : Pour les contacter et les débaucher dans quelques années : ninonandgeoffrey@gmail.com