
Bonjour Marie, quel a été ton parcours ?
Salut ! Après une année catastrophique aux Ateliers de Sèvres (à Paris) où je me souviens vaguement d’avoir fabriqué des cabanes pour troll avec des bandes de plâtre, j’ai décidé de faire une école beaucoup moins arty.
J’ai passé 4 ans à l’EPSAA, une école publique de communication visuelle de la ville de Paris (à Ivry-sur-Seine, cette fois-ci). C’était une petite famille, super ambiance, des cours très concrets, avec un métier quasi assuré à la sortie.
Je n’ai donc pas du tout appris la pub, mais j’ai appris l’image un peu sous toutes ses formes.
À la sortie, j’ai pris le premier stage que j’ai trouvé, dans une agence, mais je ne savais pas trop, une agence de quoi. C’était une agence de pub, je l’ai compris le premier jour, elle s’appelait l’agence H, et là aussi, j’ai trouvé une grande famille et c’était trop cool. Puis je me suis plus ou moins démerdée en apprenant sur le tas, et je suis devenue officiellement DA.
Depuis combien d’années travailles-tu dans le milieu de la publicité ?
J’ai débarqué chez H en stage en 2009 et j’ai été embauchée en janvier 2010. Ça fait donc pile-poil 15 ans, tiens.
As-tu hésité à faire de la pub, tu aurais fait quoi à la place ?
Hésité, non. Je suis toujours un peu allé là où le vent m’emmenait. J’aurais fait de l’image quoiqu’il arrive, je crois. Pendant mes études j’avais testé un stage d’édition chez Elle, j’y croyais pas mal, mais en fait, je me suis sacrément emmerdée. Trop de filles, trop de colonnes, trop de mots, trop de charte.
Et sinon j’avais vu une psy d’orientation au lycée qui m’avait dit que je ferais soit de l’image, soit du paysage. Ça me fait une issue de secours, au cas où, un jour.
Tu es ‘fan’ de quoi ?
J’aime la bouffe. Sans le petit dej, je crois que je ne sortirai jamais de mon lit. J’aime cuisiner, j’aime les restos, j’aime les raclettes avec les copains. Je ne suis pas une grande fêtarde, mais je suis toujours prem’s sur les bonnes bouffes.
Et puis je me suis récemment mise à l’escalade et je commence à me régaler, c’est très addictif. Y’a un âge où il faut bien contrebalancer quand on aime manger.
Tu fais quelque chose en parallèle de ton métier, des projets ?
Je bossais depuis un an sur un projet de nouveau festival des arts de la rue pour l’été 2025, mais ça vient de capoter. J’ai toujours aimé les spectacles, l’événementiel, les trucs poétiques, mais éphémères. Mais les astres ne sont pas tout à fait alignés ces temps-ci pour la culture et la légèreté. Toutes les subventions sont coupées, personne n’ose bouger les lignes. On tentera ça plus tard, quand l’humeur sera plus à la rigolade.
En attendant, je traine des petits projets débiles d’illus ou de photos. J’ai quelques idées et des kilomètres de notes dans mon téléphone. Mais je n’ai pas envie de me mettre la pression, là pour le coup, je choisis mes délais toute seule.
Et puis sinon j’ai deux enfants que j’essaye de faire grandir à peu près correctement, disons que ça occupe un peu de temps.
Tu as travaillé sur quels budgets, avec qui, où ?
J’ai fait beaucoup de Citroën chez H (devenue les Gaulois) puis chez BETC. J’ai aussi fait du Transavia, du Bouygues, du EDF. Maintenant que je suis chez Publicis, je bosse pour Renault, BNP, Orange, Clan Campbell, et j’ai aussi fait une campagne pour une association qui s’appelle Face à l’Inceste. Globalement ici les créatifs n’ont pas de budget attitré, on peut tous travailler pour tout le monde.
J’ai travaillé 7 ans avec Ouriel Ferencz qui m’a abandonné pour aller vivre à l’étranger, puis j’ai travaillé avec Thomas Préchac chez BETC, et je suis désormais en team avec Guillaume Sabbagh, chez Publicis donc.
Parle-nous de 2-3 choses que tu as faites
Le film que je préfère dans mon dossier, c’est Citroën Dog Stretching
Il date un peu, mais c’était à l’époque où on pouvait encore faire des films cons. Ça me manque pas mal aujourd’hui. J’espère qu’on reviendra un jour à la politique de « quitte à faire chier les gens en plein milieu de leur film, enfin en plein milieu de leur Koh Lanta, autant essayer de les faire sourire ».
J’aime bien la campagne qu’on vient de sortir pour Clan Campbell :
Sinon l’année dernière, on a gagné des prix à Cannes avec Cars to Work (Renault Group)
Alors c’est sûr que ce n’est pas la même ambiance que le chien qui s’étire parce que le voyage est trop long, mais aujourd’hui les clients cherchent un peu plus de sens dans leurs communications. Peut-être qu’un jour, on arrivera à monter de vrais programmes utiles, mais en communiquant dessus avec humour. Qui sait.
Quel est ton meilleur et pire souvenir d’agence/de pub ?
Mon meilleur souvenir, je crois que c’est mon premier diner de tournage à Barcelone. La rencontre entre le boulot et ma passion pour tout ce qui se mange. Autant d’années après, je ne suis sûre d’avoir digéré toutes les tapas que j’ai goûtées.
Le pire souvenir, c’est une charrette pour une compétition. Pourtant, je n’en ai pas fait tant que ça, des charrettes. Je ne sais même plus sur quoi c’était, ça date un peu, mais je me revois dans le noir à l’agence, seule face à mon écran, avec la certitude que je ne m’en sortirais jamais. Je crois que c’est la seule fois que j’ai pleuré pour le boulot. Je déteste travailler le soir, je suis inefficace. Je fais beaucoup plus de choses entre 8h30 et 10h30 que tout le reste de la journée.
C’est qui ta génération ? les créas qui avancent en même temps que toi.
Je pense en premier à Ludovic Miège et Jordan Molina que j’ai côtoyés pendant un moment chez H et les Gaulois. On a grandi ensemble.
Mais comme je ne suis pas très fan de l’éternelle scission créa/commerce, je pense aussi à Emmanuelle Woehrel qui est commerciale et avec qui je bosse depuis 15 ans. Jusqu’ici, on a fait tous nos changements d’agence ensemble. On se fait confiance, on a appris beaucoup de choses ensemble. Bon le résultat, c’est qu’elle m’appelle dès qu’elle a une carte d’anniversaire de pote ou d’enfant à faire.
Quelles sont les pubs que tu préfères, tes classiques ?
J’aime vraiment beaucoup les films Smart (Smart for four)
et Smart Offroad par exemple
et le film Sopalin Oh my lord
Ils sont simples, drôles, et tellement justes.
Mais j’aime bien aussi des trucs de 2024 hein. Genre le Apple Traktor, exactement pour les mêmes raisons que les références précédentes
J’ai aussi un petit faible pour le DoorDash Flowers are for everyone
Le film est incroyable et puis la strat est géniale, il y a un vrai marché à prendre.
Enfin, dans les derniers Cannes Lions, je retiendrais Meet Marina Prieto de JCDecaux. Parce que l’opé est bien, et parce que je crois beaucoup au print. Cf question suivante.
Tu as des modèles de créatifs dans la publicité, ou en dehors, des gens qui t’inspirent ?
J’ai beaucoup de respect par exemple pour Gabriel Gaultier et Benoit Devarrieux. Ils ont fait des campagnes prints – entre autres – tellement cool. Encore une fois, je suis un peu nostalgique de cette ère de la pub. Allez, je rajoute deux références du coup : les prints Oui FM (https://pubenstock.wordpress.com/2011/09/13/oui-fm-la-campagne-qui-vous-fait-aimer-le-rock-agence-leg/),









et les prints Eram






Mais en réalité, les gens qui m’inspirent le plus, ce sont les vrais gens autour de moi. Dans les transports, ça m’arrive de mettre mes airpods sans y mettre de musique. Juste pour écouter les conversations des gens alors qu’ils pensent que je n’entends rien. Au resto, j’ai aussi tendance à bien plus écouter les gens qui parlent sur les tables d’à côté, que les personnes en face de moi. C’est un peu chiant de diner avec moi, je crois. Mais la petite vie des gens m’intéresse beaucoup trop.
Un conseil pour les plus jeunes qui veulent réussir dans ce métier ?
C’est un métier vraiment cool, bien plus cool qu’avocat dans un cabinet à la Défense. Mais il peut vite monter à la tête. J’aurais tendance à dire qu’il faut garder du recul, faire d’autres choses à côté, aller nourrir les poules et les cochons dans une ferme à la campagne, voir d’autres gens, ne jamais oublier que tout ça est quand même assez superflu.