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INTRO

Il y a ceux qui ont les idées, et ceux qui les réalisent, parmi eux, il y a les illustrateurs. 
Un monde à part, qui rencontre celui de la publicité pour créer des campagnes originales, parfois primées dans des catégories sur mesure. L’illustration comme moyen d’expression publicitaire soulève des questions auprès des annonceurs. Ce n’est ni le dessin libre des enfants, ni les peintures que l’on contemple au musée. C’est un art appliqué si vaste qu’il déborde dans d’autres cases. Certains illustrateurs vous diront qu’ils sont graphistes, des artistes au sens large ou de simples dessinateurs. C’est un univers que la publicité a complètement investi et pourtant qui lui est parfois complètement étranger. Il y a des maîtres, des mouvements et de nombreux salons.  
Notre rôle en tant que DA est souvent de diriger l’illustrateur, mais aussi de filtrer les demandes clients. De protéger l’artiste, de savoir respecter le processus créatif de chacun. Mais eux, qu’en pensent-ils ?
– Jenna

Jenna Haugmard est DA, dans son agence, elle a travaillé avec des dizaines d’illustrateurs. Elle partage régulièrement ses coups de cœur sur le compte insta @he_lo_ilu. Elle est aussi illustratrice, juré illu au Club des DA et au D&AD. Bref, elle est bien placée pour aller à la rencontre de ces créatifs !

Gwendal Le Bec. Comme à l’état civil…

J’ai grandi à la campagne, dans le centre Finistère. Une famille de 6 enfants, un grand jardin entouré de champs et de forêts. J’ai quitté la maison pour aller au lycée Vauban à Brest où j’ai entamé un cursus Arts Appliqués. Après ça j’ai fait un an de design de mode à Tourcoing, un accident de parcours, je voulais déjà être dessinateur et je n’aimais pas trop l’école, alors je ne voulais pas mélanger les 2, donc je me suis dit : Pourquoi pas la mode…

Après un an, j’ai déchanté et je suis parti à Paris pour faire un BTS de communication visuelle à l’école Duperré.

J’avais hâte de commencer à travailler, donc je m’y suis mis juste après. J’ai eu la chance de signer un livre jeunesse chez Gallimard juste à la sortie de l’école, ça a commencé comme ça.
Mon deuxième livre a remporté la pépite de l’album à Montreuil, après ça je suis parti à Londres, puis à New York où j’ai vécu pendant 6 ans. Faire des livres jeunesses en France ne payait pas assez pour une vie new-yorkaise (pour une vie parisienne non plus d’ailleurs…) et j’ai commencé à faire de plus en plus d’illustrations de commandes, presse, pub ou autre… Maintenant, j’ai la chance de faire un peu de tout.

Mon plan B dans la vie, c’était de faire des études de théâtre, mais comme le plan A n’a pas déraillé, ça ne s’est pas présenté.

J’aimais des dessinateurs que j’aime toujours. Quentin Blake, Tomi Ungerer, Sempé. J’adorais aussi beaucoup des dessinateurs de BD, comme Jean-Giraud/Moebius, Jijé, Franquin, Bernadette Després qui dessinait Tom-Tom et Nana, etc…

Non, je n’ai jamais hésité, c’est une des rares branche de l’illustration qui paye correctement. C’est aussi un moyen d’atteindre un public qui ne s’intéresse pas particulièrement au dessin, et ça, c’est toujours un plaisir.

Pour les gros clients, j’ai travaillé entre autres pour Google, Netflix, Hermès, Amnesty International, Bill & Melinda Gates Foundation, Le Secours Populaire…

Pour les journaux, des titres français et internationaux, The New York Times, The Guardian, The Sunday Times, Le Monde, L’Équipe, L’Obs, Frankfurter Allgemeine Quarterly, MIT Technology Review, Bloomberg Mag etc…

Pour les éditeurs, Walker Books, Albin Michel Jeunesse, Gallimard Jeunesse, Le Seuil Jeunesse, Comme des géants, Flying Eye Books, Bayard, Casterman et Vieux (le magazine) pour qui je travaille en ce moment.

Et oui, il y a bien quelques entreprises pour qui je ne voudrais pas travailler, mais ça ne s’est pas présenté pour le moment. Et puis on a parfois des surprises, j’ai récemment fait un projet pour le ministère de l’Intérieur, pour promouvoir l’égalité femmes/hommes au bureau. Je n’aurais jamais envisagé travailler pour eux, et je suis assez content du projet, comme quoi…

J’ai sorti ma première bande dessinée cette année, c’est ce que j’ai toujours voulu faire, je suis assez fier d’avoir poussé le projet jusqu’au bout. Ça s’appelle Le Prolongement, et c’est publié chez Casterman.

https://www.casterman.com/Bande-dessinee/Catalogue/le-prolongement/9782203280823

Pour l’illustration, je suis un inconditionnel de la plume et de l’encre de Chine. C’est un outil récalcitrant, mais qui m’émeut beaucoup.

Pour les couleurs, je varie entre des couleurs numériques ou des lavis à l’encre.

J’utilise aussi beaucoup les pastels à l’huile, mais pour des expositions en galeries, pas pour mon travail de commandes.

Ça n’est jamais très flatteur d’être approché avec un croquis et une idée déjà très précise de ce que le client veut.
50 % de mon travail c’est de trouver des idées, c’est aussi ça qui donne un ton particulier à mes dessins.

Cela dit, dans la pub, on est souvent approché avec un brief déjà très établi, et je m’arrange très bien avec ça.

Je me méfie aussi des cartes blanches. Je n’ai jamais eu une carte blanche qui en soit vraiment une…

Il y en a beaucoup.

Il y a ceux que j’ai nommés plus haut, qui me restent de l’enfance, mais aussi William Steig, André François, Saul Steinberg, Charles Schulz.

Il y a aussi de très bons dessinateurs et dessinatrices de BD, comme Blutch, Christophe Blain ou Olivier Schrauwen, Claire Bretécher, Anouk Ricard, Catherine Meurisse. Robert Crumb et sa compagne Aline Kominsky Crumb, dont une anthologie est sortie à l’Association cette année, Sacrée Bunche, je la recommande chaudement, c’est ma dernière grosse claque en BD.

J’ai aussi commencé à lire l’intégrale des Love & Rockets des frères Hernandez, c’est très inspirant.

Et puis en haut de la pile il y a Chu Ta (Zhu Da) un peintre chinois du 17ᵉ siècle. Qi Baishi et Ding Yanyong fin 19ᵉ début 20ᵉ ou encore Sengai, un peintre zen japonais à cheval entre le 18 et 19ᵉ siècle. Tout ça n’a pas pris une ride, c’est incroyable.

Dans mes contemporains, j’admire le travail de Yann Kebbi, qui je pense est le meilleur dessinateur de ma génération, Edouard Steed qui est le meilleur cartoonist du New Yorker depuis une dizaine d’années et puis le travail de mon frère Yann Le Bec et de mes amis Jean Jullien et Thibaud Hérem, qui sont de grands dessinateurs. Marie Jacotey qui est aussi une amie, qui n’a pas vraiment de pratique commerciale et qui est une excellente dessinatrice.

Il y en a plein d’autres…

Il faut garder de la place pour le dessin en dehors du travail. Dans l’enfance le dessin est un refuge, il faut essayer de garder quelque chose de cet ordre-là, ce qui est assez difficile quand on se professionnalise.