
Bonjour Léo, quel a été ton parcours étudiant/pro ?
Bonjour Grégory, je me demandais si ce jour arriverait un jour… c’est fait : je suis enfin inscrit au Panthéon des créatifs, je peux partir tranquille…
Après le bac, en 2011, je suis parti en Australie. Je n’avais aucune idée de ce que je voulais faire, mais une chose était sûre : je ne parlais pas un mot d’anglais. Je suis arrivé à Melbourne, un pote de mes colocs était Stratégiste chez TBWA. Il m’a parlé du milieu de la pub et ça m’a tout de suite séduit.
En rentrant, étant originaire de Lille, je me suis naturellement dirigé vers Saint-Luc Tournai, en Belgique. Trois années géniales. J’y ai rencontré mon premier binôme, Étienne Vaast, avec qui j’ai fait un bout de chemin. Puis notre premier stage chez Y&R, où tu as bien voulu nous donner notre chance. On a bossé sur des sujets cools, comme Surfrider, puis d’autres beaucoup moins comme des promos Danone, mais on est tous passé par là.
Après un bref passage chez TBWA, j’ai eu envie d’une agence à taille humaine, je suis arrivé chez 84.Paris, où j’ai pu bosser presque deux ans avec les frères Bienaimé, un régal. C’étaient des années super créatives, le rêve pour le junior que j’étais : on bossait sur Greenpeace, Ubisoft, Because (le label), Citéo, etc… Il y avait une énorme culture du craft et une manière de travailler qui m’a beaucoup influencé pour la suite. J’ai commencé à m’épanouir dans ce métier.
C’est aussi là que j’ai rencontré mes futurs associés, avec qui on a créé Socialclub.
(l’un était dev, l’autre Designer et le dernier commercial, mais tous les 3 en alternance.)
Déjà huit ans… ça passe vite.
Depuis combien d’années je travaille dans la pub ?
Dix ans tout pile. C’est passé en un clin d’œil.
Pourquoi avoir lancé SocialClub ?
On sentait qu’il y avait une place à prendre dans le paysage publicitaire français. En regardant vers le UK ou Amsterdam, on voyait des studios et agences proposer une vision plus craftée, accessible et playful de la publicité. Un terrain de jeu où le design et la DA comptent autant que l’idée. Où l’on peut travailler autant avec des créatifs qu’avec des designers, et plus largement avec toutes sortes d’artistes. J’ai toujours vu la publicité comme une chance de collaborer avec des personnes que j’admire : réalisateurs, musiciens, dessinateurs, chorégraphes, poètes…
On s’est dit que le seul moyen de bosser dans un endroit comme ça, c’était simplement de le créer. C’est comme ça qu’est né Socialclub.
On n’avait pas encore 25 ans, donc très peu de responsabilités, un chien pour ma part. Notre âge était notre faiblesse : difficile de convaincre quand on te prend encore pour un stagiaire. Mais cette contrainte est vite devenue notre atout. Elle nous a forcés à nous tourner vers de nouveaux acteurs, proches de nous et parlant le même langage. C’est là qu’on a trouvé notre légitimité.
Aujourd’hui, on est quarante. On a grandi doucement, en gardant toujours la même énergie et le même cap créatif. Les personnes qui nous rejoignent partagent toutes la même volonté : s’investir dans le projet et trouver leur place pour s’exprimer.
Chez nous, on a 4 pôles : Publicité / Branding / SoMe influence / Média
Et à côté :
Poolside Theory : Valentin et moi avons créé cette boîte de production indépendante (elle produit aussi pour d’autres agences). Nous sommes 4 personnes fixes, puis comme toute prod, on grossit en fonction des projets.
Monono.paris : je suis le seul fondateur, avec 3 employés, et je scale selon les projets.
Ça nous permet d’avoir un écosystème complet pour les clients.
On a réussi à créer un cercle vertueux qui perdure et j’en suis très fier : nos projets attirent des talents qui s’y reconnaissent, nos clients sont séduits par cette vision et, à leur tour, viennent la nourrir avec de nouveaux projets. Je vous aime le Club
Si tu pouvais revenir à tes débuts à la Young tu ferais quoi ?
Exactement la même chose pour pouvoir être là où j’en suis aujourd’hui.
On a vraiment rencontré les bonnes personnes au bon moment. Même pour les statuts et toute l’admin, on a Samuel Katan qui nous a pris sous son aile et qui nous a filé tous ses pistons pour monter une boîte solide et les contacts qui vont avec. Et la prod, elle n’aurait pas pu arriver avant, on a essayé, on avait ça en tête au bout de la 2e année et justement heureusement qu’on a pris notre temps pour poser les fondations de SocialClub, sinon on aurait pu se casser la gueule à vouloir jouer sur tous les tableaux (merci à mon associé Valentin qui m’a raisonné).
Tu es ‘fan’ de quoi ?
Je suis passionné par les objets et le design, et ça marche aussi pour les voitures de collection. J’adore chercher, négocier, dénicher des pièces qui portent une histoire. J’ai passé des dimanches entiers sur des brocantes, mais ça doit être dans mes racines : à 8 ans déjà, je traînais sur les stands de la braderie de Lille pour trouver des objets chelou.
Je pense que c’est ce qui m’a transmis aussi une vraie passion pour le set design, qui occupe une grande place dans ma manière de travailler.
Tu fais quelque chose en parallèle de ton métier, des projets ?
Je réalise avec un ami, Théo Gottlieb, sous le nom de PSTH. Au départ, je me concentrais surtout sur les productions de Socialclub, puis j’ai eu envie d’élargir et de travailler avec d’autres agences. J’aime arriver en bout de chaîne créative pour donner un nouvel élan, ouvrir une autre porte. Ça me permet de varier les terrains de jeu et de collaborer avec des typologies de clients différentes. Et puis soyons honnêtes, les tournages c’est cool : les clients sont contents, les créatifs aussi, l’énergie est bonne (la plupart du temps).
Je fais aussi pas mal de post-prod. J’ai lancé Monono.paris il y a quelque temps, un studio de post-production. J’aime pouvoir garder la main sur un projet de A à Z, ça me donne la maîtrise du produit final.
Et pour finir, on ouvre un café d’ici la fin de l’année. On a toujours eu ce rêve d’avoir un lieu de vie café, bar ou un resto (comme 98 % des publicitaires en reconversion). L’occasion s’est présentée, donc on l’a saisie !
Donc en parallèle de mon métier, j’en ai d’autres !
Peux-tu nous présenter tes projets/pub préférés :
Le premier, ce serait une campagne que l’on a réalisée avec Zalando. On a mêlé beaucoup d’univers dans un même projet : danse, mode, poésie, et une grosse part de post-production. Je l’ai réalisé avec PSTH.
C’était un projet lourd en préparation comme en post-prod. Tout ayant été tourné sur fond vert, il fallait une vraie capacité de projection pour anticiper et savoir exactement quoi aller chercher, avant de donner vie aux images en post. On a eu la chance de collaborer avec une équipe très talentueuse, le chorégraphe Yagamoto, le DOP Douwe Hennink, et James Masshia à la plume, un poète anglais, qui a posé ses mots sur les images.
Le client était très impliqué dans la création, il a su nous guider là où il fallait tout en nous laissant la liberté de nous exprimer au bon moment.
Créativement, c’était un pur plaisir. Professionnellement, la relation client a été parfaite. On a ramassé pas mal de prix avec ce projet, donc je dirais sans hésiter, on top.
Le deuxième, C’était un projet réalisé avec Zhang & Knight, pour une campagne Lydia. J’étais fan de leur travail depuis leur clip pour London Grammar – Lose Your Head, et je voulais absolument trouver un projet à faire ensemble.
Le tournage était assez costaud, avec beaucoup de construction. C’était une prod avec Birth, qui a vraiment joué le jeu pour aller dans le sens de la créa, et ça c’était top. Zhang & Knight ont une approche qui utilise très peu de post-production, donc une grande partie des effets visuels étaient réels. Ça donnait une façon de réaliser totalement différente, super enrichissante.
Sur ce projet, c’était un peu chaotique, mais je suis très fier du résultat.
Le film, une réalisation très épurée et douce de Vincent René Lortie, accompagné par un texte écrit et chanté par Pomme. C’était une expérience incroyable d’écrire une chanson avec une artiste.
Tout allait bien, le projet était destiné à une ONG. Mais à deux jours de la sortie, tout a basculé : le client initial a dû se retirer à cause de casseroles qui ont refait surface. Des mois de travail, tout prêt à être diffusé… et soudain plus rien.
Mais tout s’est bien terminé, on a trouvé une ONG à qui on a offert le projet pour porter le message et continuer à défendre la cause pour laquelle il avait été conçu.
Restons dans le thème ONG et musiciens, c’est un projet que j’ai fait avec le chanteur et peintre Lossapardo, on l’a co réalisé, tout était peint par ses soins à la main puis de notre côté, on animait ses peintures. On a passé des semaines dessus mais le résultat et la connexion avec l’artiste en valait la peine.
Puis, un film pour Doctolib avec Socialclub toujours, que j’ai réalisé avec PSTH à l’occasion de leurs 10 ans. On avait zéro budget, c’était entre deux tournages. L’idée était très simple, la réalisation assez pure.
Quel est ton meilleur et pire souvenir d’agence/de pub ?
Compliqué comme question, je n’arriverais pas à mettre un souvenir tout en haut ou tout en bas.
Mais si je devais choisir, je dirais que mes meilleurs moments restent de voir tout ce qu’on a construit en quelques années avec Socialclub. Surtout quand je regarde ces quarante personnes réunies, investies à fond dans le projet de l’agence et travaillant toutes avec passion. Ça, je le placerais tout en haut.
Et tout en bas, je mettrais ce qui gangrène encore notre métier : des egos surdimensionnés, des façons de travailler toxiques, le racisme (j’entends encore des horreurs sur certaines productions), la misogynie et bien d’autres travers. Mais on fait en sorte de couper les ponts avec ces gens-là.
C’est qui ta génération? les créas avec qui tu grandis.
Je suis arrivé à l’époque du Grand Prix à Cannes d’Olivier et Hervé Bienaimé, VML était encore Y&R, Altmann était Pacreau, et Benjamin et Faustin venaient d’arriver chez TBWA.
J’ai aussi eu la chance de travailler aux côtés de personnes que je respecte énormément, comme Éric Lavenac, Céline Lescure ou encore Guillaume Auboyneau, Dimitri Lucas, qui m’ont aidé à grandir.
Tu as des modèles de créatifs dans la publicité, ou en dehors, des gens qui t’inspirent ?
Oui bien sûr, ça tourne beaucoup autour de la réalisation et de la production, même si, si je dois citer dans la publicité, Uncommon London est une grande source d’inspiration.
Ian Pons Jewell, ce qu’il réussit à faire avec Prodco m’épate. Les films qu’ils sortent sont incroyables et la qualité du roster est dingue. C’est toujours un moment privilégié quand je vois une de leurs nouvelles prods, je m’assoie et je la regarde en boucle.
Valentin Petit, un monstre. Je revois souvent ses films, et j’essaie de décortiquer certains de ses VFX, qui sont tout simplement époustouflants.
Alice Kunisue, un talent ultra créatif, avec beaucoup de justesse, de goût et d’humour. J’aurais adoré qu’elle travaille comme DC chez Socialclub… peut-être un jour.
The Perlorian Brothers, ils ont longtemps été mon étoile polaire. Leur humour absurde est unique, je connais leurs films par cœur. On a failli collaborer sur un projet, mais ça ne s’est pas fait, une blessure encore ouverte. Ce qui me fait un pont vers les Monty Python. La Vie de Brian, c’est une bible pour moi. Ou encore Les Nuls, Les Deschiens, Les Robins des Bois… J’étais enfant (et parfois même pas né), mais j’ai eu la chance de grandir avec ça.
J’aime beaucoup aussi le travail de Jaco Van Dormael, en réalisation mais surtout au théâtre. Je suis fan d’une de ses pièces, Kiss & Cry, qui mêle théâtre et cinéma. C’est exceptionnel, et je conseille à tout le monde d’y aller s’ils en refont des représentations.
Quelles sont les pubs que tu préfères ?
C’est difficile ! Il y en a tellement mais je vais essayer de faire par catégorie.
Pour sa justesse,
The Guardian ‘Hope is Power’ –
J’adore l’exécution, l’allégorie, la simplicité de la réalisation. Je n’aime pas les pubs bavardes donc celle-ci coche toutes les cases.
Pour leur craft,
Because – Recollection 84.Paris
C’est le projet qui m’a le plus marqué quand j’étais au début de ma carrière, c’était millimétré, exécuté avec perfection.
Pour sa réalisation,
Quick Book – Ian Pons Jewell –
Il fallait bien que j’en choisisse une, même si elles font toutes partie de mon top. Encore une fois : la simplicité de l’idée, le craft, les FX, les costumes. Et surtout, je me demande comment ils ont réussi à vendre ça. C’est exactement pour ça que j’adore les nouveaux services.
Pour son énergie,
Nothing Beats a Londoner – Megaforce
Souvent copiés, jamais égalés. Je me la repasse parfois, et ça me fait toujours le même effet. Et puis l’accent londonien, ça marche toujours.
Pour son absurdité,
CliqueTv – Alice Kunisue
Des petites vidéos pour CliqueTv par Alice Kunisue. 5 minutes de bonheur.
Pour son audace,
Kein Projekt ohne Drama. Ein HORNBACH Film.
Ça réunit à peu près tout ce que j’aime dans ce métier. Quand je vois des choses comme ça, ça me donne encore plus envie de continuer et d’essayer de vendre ce genre d’idées.
Car j’aurais aimé la faire
VFC –
Un conseil pour lancer son agence ?
C’est difficile de trouver les mots justes, mais mettez vos égos de côté. Entourez-vous des bonnes personnes, celles qui vous complètent vraiment. Écoutez les gens autour de vous, soyez bienveillants, et amusez-vous autant que possible.
Si quatre mecs de 23 ans ont réussi à le faire, alors vous en êtes sûrement capables aussi !
Ah oui, et surtout, on a une chance incroyable de vivre dans un pays où tu peux lancer ta boîte et être aidé par l’État. Donc ne réfléchissez pas trop. Et surtout, battez-vous pour qu’on ne nous enlève pas le peu qu’on a réussi à obtenir.
Vive la France sociale(club) !